Au nom du père, du fils et la loi du silence

On sentirait presque l’odeur du sel de mer et celui du poisson frais pêché au petit matin. Sous la constante brume du petit village d’une île irlandaise, la vie se fait répétitive au sein d’une communauté très installée. On se lève aux aurores, les femmes travaillent dans l’entreprise locale de la pêche et les hommes, eux partent en mer pour attraper les poissons. Chacune et chacun vivant sous le regard des un·es et des autres. La mer se déploie à perte de vue mais l’espace semble restreint, étouffant. Loin des paysages de cartes postales, il devient rapidement inquiétant notamment lorsqu’un fils meurt et qu’un autre revient.

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs pour sa 54ème édition qui a lieu du 18 au 27 mai, God’s Creatures signe la première collaboration du duo de réalisatrices Anna Rose Holmer et Saela Davis. En choisissant de planter leur récit dans un décor aussi fascinant qu’inquiétant les cinéastes ont pris le parti d’aborder les questions liées au silence autour des violences sexistes et sexuelles dans un environnement déjà enfermé sur lui-même. Choisir un acteur comme Paul Mescal dont la carrière a véritablement été lancée grâce à la série Normal People de Sally Rooney (autrice du roman éponyme), Alice Birch et Mark O'Rowe n’est pas anodin. Le sourire charmeur, la carrure rassurante et surtout fils de bonne famille, il représente à lui seul dans l’imaginaire collectif, l’anti-agresseur par excellence et c’est d’ailleurs l’un des aspects les plus intelligents du long-métrage qui met en lumière la défense puis le basculement d’une mère (incarnée par Emily Watson) envers son fils.

Si le film n’évite pas les maladresses de scénario notamment lorsqu’il aborde le sujet de la maternité, brièvement simplifié dans des lignes très caricaturales et une fin très convenue, l’élégance de sa mise en scène rattrape les fausses notes pour offrir un long-métrage qui invite à la réflexion en s’inscrivant dans la continuité d’oeuvres sur le sujet.

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