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AVANT QUE LES FLAMMES NE S’ÉTEIGNENT - Mehdi Fikri

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Sœur-courage

Le premier long de Mehdi Fikri rend hommage aux femmes qui se mobilisent contre les violences policières à travers le destin tragique de la sœur d’un défunt.

Assa Traoré, Amal Bentounsi ou Mounia, la mère de Nahel au patronyme resté caché. Malika a un peu de toutes ces femmes en elle. Comme elles, c’est une catastrophe qui la propulse dans l’espace public, une catastrophe tristement banale dans les banlieues françaises : la mort d’un proche aux mains de la police. L’héroïne d’Avant que les flammes ne s’éteignent campée par Camélia Jordana symbolise celles qui restent quand d’autres meurent, et elle est prête à soulever des montagnes pour rendre justice à son petit frère. C’est par ce portrait que Mehdi Fikri, ancien journaliste, s’attaque aux violences policières dans son premier film.

Humaine, sans concessions

Déformation professionnelle oblige, le réalisateur est méthodique et minutieux. Il ne s’embarrasse pas d’effets de mise en scène appuyés, souscrivant à peu près aux codes naturalistes du film-banlieue. Pour autant, il ne se refuse pas un brin de poésie en filant la métaphore du feu, présente dès le titre. La violence, omniprésente dans le récit, est discrète visuellement - pas d’émeutes spectaculaires à la Athena de Romain Gavras, ni d’images choc pendant la restitution du meurtre, bouleversante dans sa retenue.

Cette pudeur bascule parfois dans le mutisme, certaines allusions restant trop confidentielles. Difficile de ne pas voir en Slim, militant associatif campé par Samir Guesmi, l’ersatz de Samir Elyes, membre du collectif Vérité et Justice pour Adama épinglé par une enquête de Mediapart. Les connaisseurs regretteront la maladresse avec laquelle est représentée son ambivalence et les autres passeront à côté. Easter egg plus réjouissant, la présence de la chercheuse décoloniale Kaoutar Harchi dans un rôle secondaire.

Malika, illuminée par le jeu brillant de Camélia Jordana, n’est ni une sainte, ni un symbole ou une victime sans profondeur. C’est une fille, une mère, une sœur aussi, insérée dans une fratrie émouvante et plus vraie que nature, et enfin, c’est une femme qui a ses propres démons à laisser derrière.