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BLACK FEMINIST - Festival du film de femmes de Créteil

Construire un héritage

« J’ai fait ce film parce que j’en avais marre des idées fausses sur le Black Feminism » déclare la réalisatrice, scénariste et productrice Zanah Thirus dans son documentaire Black Feminist, présenté dans la catégorie « Héritage » à la 43ème édition du Festival de Films de Femmes. En invitant des femmes noires d’horizons confondus, la cinéaste aborde frontalement les questions liées au « Black Feminism », mouvement féministe né aux États-Unis dans les années 1960, lors du mouvement des droits civiques. 

Un récit éducatif 

À travers les paroles des concernées, Black Feminist met en avant et d’une manière intelligente les avancées et figures historiques ainsi que les expériences multiples vécues au quotidien par celles qui ont la parole. Divisé en plusieurs chapitres le documentaire nous transporte à travers un mouvement historique où l’intersectionnalité (« notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société », notamment et principalement ici, la race, le genre et la classe sociale) est la clé d’un combat commun. En énumérant les figures noires historiques, la cinéaste offre une portée et un héritage à toutes les femmes qu’elle interviewe. Les actes des unes se mêlent aux paroles des autres. Une vision d’ensemble qui n’efface jamais l’individualité pour souligner l’importance des voix uniques mais unies. En incluant des paroles masculines, la cinéaste interroge les visions misogynes et racistes au sein de « la » communauté. Une misogynoir (croisement entre « misogynie » et « noire » qui invite à la réflexion concernant la double oppression vécue, en grande majorité, par les femmes noires) décomplexée qui empoisonne les vies. 

S’émanciper du masculin

Sous forme d’un grand exposé, le long-métrage documentaire expose les faits, images d’archives  à l’appuie, puis nous offre une parole actuelle, synonyme d’un vécu essentiel. Les grandes thématiques liées au questionnement plus ou moins actuel s’invitent à la discussion : naissance du mouvement, etc. Ce qui permet de démonter subtilement les préjugés sur le mouvement. Avec les images d’archives, la cinéaste nous montre des figures historiques afro-américaines ayant vécues plusieurs centaines d’années auparavant. « Cette chanson est pour toutes les femmes incroyables qui m’ont ouvert des portes » disait Beyoncé lors de son live à Coachella (Beychella) en 2019 alors qu’elle est la première femme noire en tête d’affiche du festival. Les modèles permettent l’identification. L’identification, la transmission. La transmission, le pouvoir d’agir à notre hauteur. Un cercle vertueux qui fera, sans aucun doute, bouger les lignes.

« Le racisme a toujours été une force de division séparant les hommes noirs et les hommes blancs, et le sexisme a été une force unissant ces deux groupes » 

Bell Hooks, Ne-suis je pas une femme ? : Femmes noires et féminisme

Bien que Black Feminist soit ponctué d’intervention d’hommes (en minorité toutefois), dont les paroles permettent de comprendre le système dans lequel ils ont eux aussi baignés (« je ne pensais pas qu’il était utile d’avoir un “black feminism” » dit l’un d’entre eux), l’une des mesures essentielle apportée au sein du film. La non-mixité, véritable sujet de débat actuellement (bien que les débats écartent les communautés où le besoin de non-mixité est indispensable) est un point central et déterminant du propos du film. 


Toutes les chroniques de la 43e édition du Festival de Film de Femmes de Créteil

Réalisé par Zanah Thirus

Frustrée par le manque d’intersectionnalité dans le mouvement des femmes et la misogynie qui sévit dans le mouvement de libération des Noirs, la cinéaste Zanah Thirus a entrepris de mettre en lumière les complexités et le pouvoir du féminisme noir. Présentant des entretiens d’universitaires, d’écrivaines, d’entrepreneuses, de vétérans et de comédiennes, y compris l’ancienne rédactrice en chef d’Ebony Kyra Kyles, la professeure Carrie Morris et l’auteure Tami Winfrey Harris, le film met à nu les expériences quotidiennes de ces femmes noires