BLONDE - Andrew Dominik
Avec Blonde, Andrew Dominik ressuscite Marilyn Monroe pour mieux l’humilier
En 1992, soit 30 après la mort de Marilyn Monroe, la vedette interplanétaire s’apprête à avoir un nouveau voisin : le magnat de la pornographie Hugh Hefner, qui fait l’acquisition de l’emplacement funéraire mitoyen au cimetière de Westwood Village Memorial Park, à Los Angeles. Obsédé par celle qu’il considérait comme « la blonde ultime » au point de faire son beurre sur des photos d’elle dans le plus simple appareil, le fondateur de Playboy concrétisait là son désir de passer du bon temps avec Marilyn. On peut donc dire qu’après avoir passé son existence en ligne de mire de la violence du désir masculin, Marilyn Monroe passe son éternité aux côtés d’un pervers libidineux. L’objectification barbare dont elle aura fait les frais sera sans doute immortelle, ravivée ponctuellement par le male gaze – dont Blonde, d’Andrew Dominik se fait actuellement le mélancolique porte-étendard.
Qui est Norma Jean ? Prétend-il questionner. Malgré trois longues heures de film où Ana de Armas repousse inutilement ses limites, nous ne le saurons jamais – la mosaïque ultra-stylisée de Blonde n’a pas le temps de représenter cette grande actrice comme un être complexe dotée d’aspirations multiples. Pour ça, il aurait fallu entre autres que le réalisateur daigne au moins s’intéresser à sa filmographie mais, comme il l’a avoué lui-même en interview, il n’en a cure. Seule l’icône auréolée de souffrance l’intéresse dans une vision monodimensionnelle, aux confins du sadisme (Marilyn abusée, Marilyn battue, Marilyn violée) et mâtinée d’accents freudiens, car finalement, le problème, c’est que Marilyn n’avait pas de père. Des daddy issues, dans tout ce que ce concept peut avoir de méprisant et de patriarcal, ni père, ni enfant sur lequel déverser tout l’amour dont elle était pétrie. Blonde insistera d’ailleurs bien sur ce problème à grands moyens de scènes racoleuses qui se muent involontairement en réquisitoire contre l’avortement. Un plan, en particulier, revient en tête, il semble comme émaner des entrailles de l’idole ; s’approprier chaque parcelle de son épiderme n’aura pas suffi, il fallait en coloniser l’intérieur. Du visionnage de Blonde ne reste qu’un sentiment de mal-être diffus. Norma Jean, la vraie, reste loin de nous, décidément absente de ce film-boule à neige embourbé dans la complaisance cruelle. La seule chose qui reste est l’incompétence d’Andrew Dominik, incapable de dépeindre une vie certes marquée par la souffrance, mais qui ne pouvait pas s’y résumer.