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BLOODTHIRSTY - Amelia Moses

Le monstre qui est en elle

Les créatures mi-bêtes mi-humaines qui peuplent les nuits ont hanté les histoires d’horreur depuis le début de l’humanité. L’arrivée de la saga Twilight et ses dérives, dans les années 2000, a cependant participé à un effondrement progressif du premier degré de ces mythes. Ce n’était pas la première fois que des vampires et des loups-garous fleurs bleues tombaient amoureux d’une adolescente (on se souvient, entre autres, de Buffy qui, dans la série éponyme des années 90, partageait une relation avec un vampire pourvu d’une âme) mais le raz-de-marée engendré par cette tendance a tourné ces monstres si humains ou ces humains si monstrueux en dérision. On peut regretter qu’une figure aussi symbolique que le vampire ne puisse plus être utilisé sans être moquée aujourd’hui, mais on peut aussi constater que le loup-garou a, lui, été relativement épargné. Bloodthirsty, écrit par Wendy Hill-Tout et Lowell, deuxième long-métrage de la cinéaste Montréalaise Amelia Moses, conjugue cette figure bestiale et poilue au féminin. Grey est une jeune chanteuse, invitée par un producteur à travailler dans la maison de ce dernier, pour sortir un nouvel album hors normes. La jeune femme s’installe dans la résidence isolée avec sa petite-amie qui en profite pour développer ses talents de peintre. Petit à petit, Grey, qui est vegan, ressent le besoin de manger de la viande, et rêve qu’elle se transforme en loup. Après une première au Fantastic Fest 2020 pour nos amis outre-Atlantique, Bloodthirsty arrive en France à la fin de ce mois de janvier 2022, sur la plateforme Shadowz.

Transformation

On ne va pas revenir sur la conception du loup-garou aujourd’hui dans la pop culture, mais la question se pose forcément lorsqu’on lit le synopsis de Bloodthirsty. Le premier élément qui apparaît est la volonté du film de l’introduire à travers du body horror. Grey rêve qu’elle s’est transformée en loup mais lorsqu’elle se réveille, elle n’a pas bougé de son lit, même si ses gencives saignent. Le body horror est finalement assez vite oublié puisqu’Amelia Moses ne semble pas d’humeur à faire souffrir physiquement son héroïne. Son évolution est mentale et se déroule au fur et à mesure que son travail avec le producteur Vaughn Daniels prend forme. Grey alimente sa bestialité tout en améliorant ses créations, elle sacrifie ainsi une part de son humanité. Bloothirsty n’évoque pas souvent le mot « loup », le remplaçant par des visions furtives de pattes animales et évite soigneusement de s’inscrire, pendant son premier tiers, dans la lignée des films ouvertement associés au genre. Il est dommage de constater que lorsque le mot « lycanthrope » apparaît, la finesse de la métaphore en prend un coup puisque l’idée paraît quelque peu plaquée par défaut, comme pour coller une étiquette sur un produit. C’est dommage, car la figure du monstre auquel on ne donne pas de nom suffisait très bien et comportait l’essentiel pour produire la métaphore visée.

Un film trop conventionnel ?

La question du conventionnel au sein de l’œuvre apparaît vite puisqu’elle est étouffée par plusieurs poncifs du genre. C’est probablement son plus grand défaut : la mise en scène, parfois un peu automatique, a tendance à plonger dans toutes les facilités d’effets dont a abusé le cinéma d’horreur ces dernières années. On ne parle pas de jumpscares (Bloodthirsty n’est pas un train fantôme) mais d’un sound design qui prend bien trop d’espace et ne laisse, paradoxalement, pas assez de place à la musique – travail de Grey. Pourtant, la chanson Bloodthirsty se suffit à elle-même. Interprétée par la chanteuse Lowell (malheureusement encore relativement inconnue en France, co-scénariste du film), elle dispose d’une belle ambiance mélancolique. La musique aurait mérité d’être davantage mise en avant pour illustrer l’obsession nourrie par Grey. Cette dernière est d’ailleurs bien incarnée par Lauren Beatty (également relativement inconnue dans l’Hexagone), qui adhère plutôt bien à la fois au magnétisme de la chanteuse qu’à la vulnérabilité et la douceur de la jeune femme en privé. On note également, dans un autre registre, qu'il est agréable de voir enfin un personnage féminin en tant qu'artiste maudit ! Cet élément n'est pas si anodin puisqu'il offre une lecture intéressante du film, dans laquelle les questions actuelles de genre et de représentation rejoignent le constat de la disparition progressive de l'humain pour laisser place à la bête de scène.

C’est assez paradoxal de voir que Bloodthirsty a perdu un peu de son âme dans sa forme et sa conventionalité alors qu’il traite justement de l’absence d’humanité qui survient chez une artiste. Le film peine à oublier toutes les conventionalités et à aller jusqu’au bout de ses idées alors que le postulat était bon.


Réalisé par Amelia Moses

Avec Lauren Beatty, Greg Bryk, Katharine King So...

Grey est chanteuse. Et rêve qu'elle est un loup. Lorsqu'elle reçoit une invitation à travailler avec le célèbre producteur de musique Vaughn Daniels dans son studio isolé dans les bois, elle commence à découvrir qui elle est vraiment.

Disponible sur Shadowz dès le 28/01