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BRIDGET JONES : FOLLE DE LUI  - Michael Morris

© StudioCanal

Arrivée à maturité

Le quatrième volet des aventures de la célibataire londonienne la plus célèbre du grand écran aurait pu être un projet vain, voire embarrassant. Contre toute attente, la comédie vire à la mélancolie et, si elle ne surprend pas vraiment, devient franchement attachante.

Reprendre les choses là où toutes les comédies romantiques s’arrêtent, voilà l’objectif du nouveau cru de Bridget Jones. Bridget et son promis, Mark Darcy, se sont aimés jusqu’à ce que la mort les sépare, comme le veut le serment. Sauf que la mort les a séparés plus vite que prévu, et revoilà la maladroite Londonienne « sur le marché » de l’amour et des rencontres. Mais les choses ont changé depuis qu’elle mangeait de la glace, fumait comme un pompier, écoutait « All by myself » en pyjama et portait un pull de Noël ridicule. À l’ère de #MeToo, de la prise en compte du consentement et, surtout, de la fin du couple comme seul horizon acceptable pour une jeune femme trentenaire, comment ranimer un si célèbre personnage sans tomber dans la ringardise, le passéisme et la redite ? 

Les défis étaient nombreux, les obstacles impressionnants et il faut bien avouer que nous sommes les premières surprises de les voir relevés et surmontés avec une certaine dextérité. Dans ce nouveau volet, à des années-lumière de la nullité du troisième, le charme opère à nouveau. Sûrement parce que le film joue astucieusement avec sa propre histoire, réservant quelques clins d’œil pour les fans un peu nostalgiques mais embrassant pleinement la modernité. Bridget est sur les applications de rencontre, qui ne sont ni encensées ni vilipendées vainement, elle a gardé sa culotte gainante mais moins la pression qui va avec, et fait toujours ce qu’elle peut avec sa maladresse chronique. Surtout, elle ne vit pas son âge comme un fardeau et apprend peu à peu à assumer ses désirs et son plaisir. 

Alors, bien sûr, la mise en scène manque d’idées et Renée Zellweger a beau être pétillante, il est difficile de retrouver ses yeux derrière la chirurgie esthétique (témoin, avant tout, de l’incroyable pression qui pesait déjà sur les actrices dans les années 2000). Mais on croise des personnages secondaires hilarants – la gynécologue interprétée par Emma Thompson est indéniablement la meilleure – et on retrouve de vieux amis, comme ce bon vieux Daniel – Hugh Grant, qui cabotine de la meilleure des manières – dont les assauts sont résolument passés dans le registre purement comique. L’écriture ne fait pas de cadeaux mais ne charge pas non plus la mule de ses protagonistes. On se surprend à trouver l’histoire attachante, ni réactionnaire ni forceuse sur le féminisme, finalement pleine de maturité dans sa manière de décrire le cheminement d’une femme, d’une mère, d’un vrai personnage de cinéma, vers l’acceptation d’elle-même. 

MARGAUX BARALON