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CAMPING DU LAC - Éléonore Saintagnan

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Conte d’été

Lauréate du prix spécial du jury CINÉ+ au Festival de Locarno l’an passé, la réalisatrice et plasticienne Eléonore Saintagnan fait de son premier long-métrage, Camping du lac, un étonnant journal de bord estival entre documentaire et légende bretonne. 

Formée au documentaire et aux arts plastiques, Éléonore Saintagnan avait remporté le prix du meilleur court-métrage à Visions du réel pour Une fille d’Ouessant. Avec Camping du lac, elle laisse la fiction contaminer l’aspect documentaire de son premier long-métrage. La réalisatrice se met immédiatement en scène en personnage filant vers l’Ouest, guidée par un désir irrépressible de voir la mer. C’était compter sans une panne de voiture qui la conduit à stopper net son voyage en plein cœur des terres bretonnes et à se poser dans un drôle de lieu le temps de la réparation. Bienvenue au Camping du lac. « Puisque personne ne se rendrait compte de ma disparition, je n’avais rien à perdre », confie-t-elle en voix off. Dans ce journal de bord documentaire, Eléonore Saintagnan visite les alentours et, en lieu et place de la mer, observe ce lac mystérieux. Un territoire dont elle s’empare aussitôt comme refuge de cinéma habité par des personnages marginaux : une ancienne coiffeuse élevant son fils et des volailles, un couple de retraités, un jeune homme à tout faire, un vieux chanteur de country américain, une femme jouissant dans le lac…

D’un mobile home à l’autre, des chroniques de vie se racontent, des histoires qu’elle écoute, sans voyeurisme, armée d’un appareil à sonder les bruits. Les récits des voisins deviennent plus palpitants que les chants des différents oiseaux qui peuplent le camping. La réalisatrice-actrice dont on ne sait rien, hormis des souvenirs d’enfance racontés épisodiquement, erre parmi eux et sa visite dans une église en pleine messe va lui ouvrir les portes d’un imaginaire local. Laissant entrer la fiction, celle-ci brouille progressivement le documentaire par un sens de la fable artisanale et un goût prononcé de l’étrange. La légende folklorique de Saint-Corentin (convoqué par des flashbacks), un ermite qui deviendra évêque de Quimper, et de son poisson miraculeux devenu une immense bête lacustre cachée dans les profondeurs du lac tel un monstre du Loch Ness breton, envahit le film que la musique semble accompagner dans sa bizarrerie. La bête attire les touristes en pèlerinage, métamorphosant le film en fable radicale et mystérieuse reliant temps présent et passé. 

Camping du lac atteint sa beauté dans l’humanité de ses âmes en peine, dont chacune a sa petite musique dissonante, reliées par leurs croyances magiques, se rejoignant à travers de simples scènes de vie et recréant une famille jusqu’aux retrouvailles en chansons entre cet américain incognito et sa fille incarnée par Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty, dont on reconnaît la voix entre mille. Pendant une heure, la réalisatrice et son Camping du lac nous ont bien raconté « un drôle de truc ». 

DIANE LESTAGE