Fini les sempiternels « Qu’est ce qu’on regarde ce soir ? » et les longues errances sur Netflix ! Chaque mois, on vous propose quelques recommandations de films disponibles en VOD ou SVOD à travers une thématique féministe, et/ou avec une femme derrière la caméra. Une chose est sûre, il y en aura pour tous les goûts.

Au programme ce mois-ci : des centaures kawaii, le Temple Satanique, une plongée dans la banlieue phocéenne, des cours d'éducation sexuelle, une renaissance cathartique et une romance entre une stand-uppeuse et un homme plus âgé

LA RECOMMANDATION DE ... LAURA

CENTAURWORLD - Megan Nicole Dong disponible sur Netflix

Synopsis : Une jument intrépide cherche à retrouver sa fidèle cavalière et traverse un monde fantastique où magie, aventure et centaures chanteurs cohabitent joyeusement.

La nouvelle série d’animation produite par Netflix, débarquée sur la plateforme cet été, a de quoi surprendre. Au vu de son animation pétillante et fun, de ses chansons entraînantes interprétées par des acteur⋅trices de Broadway, de son univers bienveillant barbe-à-papa, on s’attend à trouver quelque chose qui ressemble à Mon petit poney. Et bien, pas tout à fait ! La showrunneuse, Megan Nicole Dong insuffle dans sa série un ton loufoque et des questionnements sur le corps et le genre. Grâce à la rencontre de deux mondes, celui décalé des centaures, et celui apocalyptique de la jument, le récit peut aborder la différence et la recherche de soi avec un style d’animation original, alliant la finesse du trait, presque réaliste du cheval et les traits plus kawaii des centaures. Une série totalement à part, qu’il faut savoir appréhender : ne pas avoir peur des chansons (nombreuses), des blagues pipi-caca et des transformations, parfois horrifiques, d’adorables animaux.

LA RECOMMANDATION DE ... PAULINE

LES HÉRITIÈRES - Márta Mészáros disponible sur MUBI

Synopsis : En 1936, Irène, une Juive discrète, est engagée par son amie riche mais stérile pour avoir un enfant avec son mari. Le plan se déroule comme prévu, mais de nombreux défis se présenteront lorsque leurs rapports changeront tandis que progressera le fascisme.

Dans une superbe rétrospective nommée “ Des femmes indépendantes : le cinéma pionnier de Márta Mészáros ”, la plateforme Mubi nous offre dix longs métrages somptueux de la réalisatrice hongroise. Parmi eux, le poignant Les Héritières, un drame puissant qui traite frontalement des problèmes d’infertilité, le tout liées aux problèmatiques de la Seconde Guerre Mondiale dont l’antisémitisme. La cinéaste dresse le portrait de deux femmes, Irène et Szilvia, brillamment incarnées par Isabelle Huppert et Lili Monori. Entre amitié, jalousie et empathie, la réalisatrice aborde la complexité de personnages féminins composites. 

LA RECOMMANDATION DE ... AMANDINE

HAIL SATAN ? - Penny Lane disponible sur MUBI

Synopsis : Lucien Greaves est le cofondateur du Temple satanique, un mouvement religieux qui appelle à la révolution pour le salut de l’âme américaine. Ce film nous raconte comment un coup médiatique à petite échelle s’est transformé en une religion comptant des centaines de milliers d’adhérents.

Dans un documentaire aussi provocateur qu'intelligent, la réalisatrice Penny Lane dresse le portrait attachant du Temple Satanique, bien loin de l'image démoniaque qu'il traîne derrière lui. À travers des symboles blasphématoires, souvent plus de l'ordre de la mascarade que de la véritable messe noire, le Temple Satanique interroge les consciences à travers des actions chocs en faveur des droits humains, et met à mal les paradoxes de la société américaine. De sa passionnante analyse du satanisme et de son image à travers l'Histoire des États-Unis, Hail Satan ? dessine surtout une contre-culture où la marginalité trouve sa place, dans un pays qui la rejette de plus en plus.

LA RECOMMANDATION DE ... MANON

SHÉHÉRAZADE - Jean-Bernard Marlin disponible sur Netflix

Synopsis : Zachary a 17 ans, il sort d’un centre de détention pour mineurs. Rejeté par sa mère, l’adolescent traîne dans les quartiers populaires de Marseille. Il y rencontre Shéhérazade, une (trop) jeune prostituée, dont il tombe amoureux. 

Sur le papier Shéhérazade s’annonçait un peu comme une nouvelle immersion sensationnaliste dans les quartiers chauds de la cité phocéenne. Le film s’en détache vite, le cadre social n’existe qu’à travers le cas de ses personnages, des adolescents livrés à eux-mêmes, abandonnés par leurs familles, qui n’ont jamais connu la douceur. Ensemble, ils s’aperçoivent qu’ils sont prêts à découvrir l’amour. Jean-Bernard Marlin assume clairement ses références aux premiers films de Nicolas Winding Refn, avec un air entendu dans le deuxième Pusher : la violence cache une sensibilité et la masculinité y est progressivement disséquée. Le personnage féminin n’existe pas à travers sa sexualité, malgré sa profession, le personnage masculin révèle un comportement à des lieux du machisme que l’on pourrait craindre. Tourné avec des acteurs non-professionnels (issus du quartier de la Belle de Mai), inspiré par les témoignages de jeunes prostituées marseillaises pas toujours majeures, Shéhérazade gagne progressivement en sensibilité jusqu’à offrir un final aussi dramatique que plein d’espoir. Une histoire d’amour comme on en voit peu.

LA RECOMMANDATION DE ... CHLOÉ

SEX EDUCATION : SAISON 3 de Ben Taylor et Runyararo Mapfumo disponible sur Netflix

Synopsis : Nouvelle année à Moordale ! Otis multiplie les relations sexuelles, Eric et Adam sont officiellement en couple et Jean attend un enfant. Pendant ce temps, une nouvelle proviseure, Hope tente de remettre Moordale sur le chemin de l'excellence, Aimee découvre le féminisme, Jackson a le béguin et un message vocal oublié remonte à la surface. Préparez-vous à des animaux comme preuve d’engagement, des phénomènes extraterrestres, des cupcakes en forme de vulve et encore plus de Madame Groff.

Cette série en 8 épisodes d’une heure se concentre sur la vie sexuelle et personnelle des lycéen‧nes de l’école Moordale, en Angleterre. Une nouvelle principale est en poste et cherche à éradiquer le sexe et les discussions sur ce sujet dans l’établissement. Cette nouvelle saison continue d'approfondir les intrigues de la saison précédente. Otis et Maeve ne sont plus les seuls au premier plan, laissant plus de place aux problèmes de leurs camarades et nouveaux‧elles venu‧e‧s. Toujours en recherche d’inclusivité, l’intimité des adultes est aussi mieux mise en avant, ce qui permet d’avoir une vision élargie de la sexualité.  Pour ne pas que les sujets soient trop lourds ou traumatisants, la série garde son ton léger, et son ambiance légèrement rétro.

LA RECOMMANDATION DE ... LISA

I MAY DESTROY YOU de Michaela Coel disponible sur OCS

Synopsis : Arabella est une jeune autrice à la carrière florissante vivant à Londres. Lors d'une soirée arrosée en boite de nuit, elle est droguée par un inconnu et se réveille sans souvenirs. Dès lors, Arabella va tout faire pour comprendre ce qu'il s'est passé ce soir-là.

Elle a été la recommandation incluse dans toutes les bonnes listes de « séries à voir » fin 2020 ; si bien qu’il a été presque impossible de passer à côté. Amour absolu pour cette série oblige, je ne pouvais pas m’empêcher d’en remettre une dernière couche, surtout quand, sa créatrice, autrice et actrice principale, la talentueuse Michaela Coel vient de remporter le prix du meilleur scénario pour une mini-série aux derniers Emmy Awards (Oscars de la télévision américaine). Une récompense amplement méritée.

I May Destroysuit en douze épisodes brillants et intenses, la trajectoire d’Arabella une autrice noire londonienne qui tente de reprendre le cours de sa vie suite à une agression sexuelle. À l’origine de la série, l’expérience réelle de Coel qui a été victime d’une agression sexuelle lors d’une soirée. 

Si dans un premier temps c’est le black-out pour la jeune femme, elle recolle petit à petit les morceaux et découvre qu’elle a été violée sous GHB lors d’une sortie en boite de nuit. En remontant les fils brumeux de son agression, Coel tisse un récit tortueux, nous emportant toujours avec elle lors des moments de doute, de joie, de violence ou de progression avec une franchise parfois euphorisante, souvent désarmante mais avec une âpreté honnête et presque curatrice. Coel prend le temps d’explorer tous les coins d’Arabella et de son entourage, et produit un récit riche et complexe, abordant sans détour les questions du viol, du consentement, des violences sexuelles faites aux femmes et aux hommes mais aussi la prise en charge des victimes par le système.

Les tentatives protéiformes de transformation d’Arabella, de la plus vengeresse à la plus douloureuse, lui offre une renaissance finale cathartique, nous autorisant hagard à avoir le fin mot de l’histoire, de son histoire, mais en miroir l’histoire de nombreuses femmes et de nombreux hommes victimes d’agressions sexuelles.

LA RECOMMANDATION DE ... ESTHER

JEUNE & GOLRI de Agnès Hurstel disponible sur OCS

Synopsis : C'est l'histoire de Prune, 25 ans, stand-uppeuse en panne d'inspiration, jeune et golri, qui tombe amoureuse de Francis, 47 ans, vieux et dépité. Sauf que Francis a juste oublié de dire à Prune qu'il avait un enfant... Alma, 6 ans, minus et pas marrante du tout. C'est l'histoire de Prune qui devient belle-mère, alors qu'elle a 5 ans d'âge mental. Et que pour elle, cohabiter avec un enfant, c'est cauchemar. A moins qu'elle ne décide d'en faire le sujet de son spectacle, sans le dire à Francis bien sûr.

Sacrée meilleure série française lors de la dernière édition de Séries Mania, Jeune & Golri est le bonbon qu'il nous fallait pour survivre à cette rentrée pluvieuse. Créée, écrite et jouée par Agnès Hurstel (en collaboration avec Léa Domenach et Victor Saint Macary), la série raconte les aventures de Prune, stand-uppeuse qui trouve l'amour chez un homme âgé de 15 ans de plus qu'elle. Tout se passe divinement bien jusqu'au jour où elle rencontre sa fille Alma, 6 ans mais ô combien plus mature qu'elle. Un portrait drôle et réaliste d'une jeune femme d'aujourd'hui, qui boit, rit et se débrouille comme elle peut avec cette parentalité inattendue. Le ton est décalé, la répartie fuse, les personnages s'amusent et on se dit que les femmes humoristes ont bien raison de prendre les rênes de séries.

Sorociné est fier partenaire de la ressortie le 29 septembre du très beau film de Jean Grémillon, Le ciel est à vous, que nous évoquons en détails dans notre épisode du Sorociné Club :