Sorociné

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COMME A LA MAISON - Février 2023

Fini les sempiternels « Qu’est ce qu’on regarde ce soir ? » et les longues errances sur Netflix ! Chaque mois, on vous propose quelques recommandations de films ou séries disponibles en VOD ou SVOD à travers une thématique féministe, et/ou avec une femme derrière la caméra. Une chose est sûre, il y en aura pour tous les goûts.

On retrouve, ce mois-ci, une web-série disponible sur Instagram, du sexe et de la tendresse, les dangers de la spéléologie sur les territoires de monstres voraces, suivi par une promenade rue Daguerre, avant de terminer sur les routes de Floride.


LA RECOMMANDATION DE… MANON

Copyright Arte

Malaisant

Crée par Louise Condemi - 2022 - disponible sur Arte à suivre

Synopsis : Vendeuse au Temple de la gaufre, Esther, 22 ans, est une misanthrope assumée. Employé de la même boutique, Roméo, 23 ans, ultraromantique et poète à ses heures, livre les pâtisseries à vélo. Esther et Roméo travaillent sans se voir. Un slip égaré à la piscine municipale et pour ces deux anti-héros attendrissants, c’est le coup de foudre !

Attention, une fois n’est pas coutume, une recommandation mensuelle porte sur une story Instagram, mais pas n’importe laquelle ! Web-série 3.0, Malaisant est une vraie proposition audiovisuelle, qui utilise intelligemment l’hyper-consommation des images et l’impatience de la jeune génération pour raconter une histoire d’amour, de sexe et de gêne. Les photos, photomontages ou séquences animées côtoient de courtes vidéos, de façon à ce que l’œuvre devienne, par les fragments montrés, le journal (très) intime de ses deux protagonistes. Il n’y a pas que la forme qui est novatrice et rafraîchissante car Malaisant est loin des découvertes sensuelles romantiques et propose, paradoxalement à son ton décalé, un réalisme encore trop peu vu quant à la question de la sexualité. Esther et Roméo ne sont absolument pas expérimentés, Esther n’est pas désespérément en quête de se débarrasser de sa virginité (concept pour une fois bien abordé !), Roméo est une fleur bleue qui noie ses râteaux dans des films pornographiques. C’est très drôle, parfois mélancolique, étrange, réconfortant. Oubliez le glamour, oubliez les injonctions, respirez un slip de bain et laissez-vous porter par vos hormones, par la découverte du corps de l’autre et, accessoirement, par toute la malaisance que cela entraîne.


LA RECOMMANDATION DE… LISA

Copyright Next Episode

Septième Ciel, saison 1

Créée par Clémence Azincourt avec la collaboration d’Alice Vial - 2023 - disponible sur OCS

Synopsis : Quand Jacques est placé en résidence pour personnes âgées par sa fille Isabelle, il pense qu’on l’envoie dans un mouroir. Il est loin de se douter qu’il va y rencontrer Rose, la désirer et être désiré comme jamais. À presque 80 ans, tous les deux redécouvrent le plaisir physique et s’aiment comme deux ados. Cette véritable fusion des corps va bouleverser leur entourage, questionner la libido de chacun et provoquer le chaos dans la résidence. Leurs enfants respectifs sont déroutés de voir leurs parents s’amuser plus qu’eux. Et la direction panique devant ce vent de liberté et de cul.

Jacques et Rose sont beaux, ils ont toutes leurs capacités motrices et mentales et surtout ils s’aiment. Seulement, ils sont octogénaires et sont tous les deux résidents d’une résidence pour personnes âgées. Difficile de mener une relation amoureuse et intime dans ces circonstances. Pourtant montrer leurs désirs, leurs corps et leurs quotidiens rocambolesques, c’est la mission que ce sont données Clémence Azincourt (créatrice de la série) avec la collaboration d’Alice Vial (scénariste et réalisatrice). Elles y parviennent d’ailleurs avec humour, brio et tendresse, le temps de dix épisodes d’une trentaine de minutes. Aucun tabous concernant la vieillesse (le sexe, le désir, l’amour, le corps, la maladie ou la mort) n’est laissé de coté dans cette comédie loufoque aux accents parfois dramatiques. Oui les vieux continuent d’aimer jusqu’à la fin de leurs vies, oui les vieux baisent encore ! 

La vieillesse est effectivement abordée de manière inédite, sans pathos, sans infantilisation ni complaisance et c’est une victoire rafraîchissante. Les corps ridés s’enlacent et exultent. Ils ont d’ailleurs beaucoup à transmettre aux jeunes générations abasourdies. Dans les grands moments de la série, ces échanges intergénérationnelles d’amitiés sont d’ailleurs les plus réussi. Le casting, mené en tête par les sublimes Féodor Atkine (Jacques) et Sylvie Granotier (Rose), est impeccable. On en redemande !


LA RECOMMANDATION DE… MARIANA

Copyright La Fabrique de Films

The Descent - Neil Marshall - 2005 - disponible sur Shadowz

Synopsis : En plein milieu du massif des Appalaches, six jeunes femmes se donnent rendez-vous pour une expédition spéléologique. Soudain, un éboulement bloque le chemin du retour. Alors qu'elles tentent de trouver une autre issue, elles réalisent qu'elles ne sont pas seules. Quelque chose est là, sous terre, avec elles...

“Sous terre, personne ne vous entend crier” : Neill Marshall aurait pu aisément reprendre la tagline d’Alien, tant The Descent repose sur le même mécanisme horrifique de claustrophobie et d’enfermement au sein d’une immensité obscure. Sorti en 2005, il s’agit du 2e long-métrage du réalisateur britannique, et devient rapidement une référence du cinéma d’horreur : en plus d’adopter une réalisation basée sur le sensoriel qui renforce le sentiment de claustrophobie, Neil Marshall joue avec les sources de lumière mises à disposition par son récit, et propose une belle photographie en clair-obscur. Si certains éléments datent un peu des années 2000 (des jeunes femmes habillées façon Lara Croft et des relations entre les personnages assez téléphonées), The Descent reste un (angoissant) plaisir à revisionner, pour sa rage de survivre, et sa ténacité qui perdure jusqu’à la dernière image.


LA RECOMMANDATION DE… ALICIA

Daguerréotypes - Agnès Varda - 1975

Disponible jusqu'au 09/02 dans la Séléction du mois de La Cinetek

Ou en VOD sur UNIVERSCINE et MK2 Curiosity

Synopsis : Rue Daguerre, 14e arrondissement de Paris. C'est ici que vit Agnès Varda. Pour rendre hommage aux commerçants qui l'entourent et qu'elle côtoie au quotidien, la réalisatrice pose sa caméra pendant quelques jours de 1974 dans ce quartier pittoresque, nous baladant de l'atelier d'un tailleur et à l'épicerie voisine, d'une boucherie à un spectacle de magie. 

Loin de l'effervescence des grands boulevards et du quartier latin, ô combien montrés au cinéma, c'est dans le quartier de Montparnasse qu'Agnès Varda nous emmène pour nous replonger dans le Paris des années 70. Entre l'essai sociologique et poétique, la cinéaste témoigne dans ce documentaire passionnant de la diversité et la richesse de la vie parisienne en donnant la parole à ses voisins, cette majorité silencieuse qu'on ne voit jamais. Au-delà des plan-séquences filmés dans la pure tradition du cinéma directe, Varda partage avant tout des tranches de vie. Un documentaire comme un instantanée d'une vie de quartier, où le charme opère particulièrement lorsqu'elle fait témoigner ses personnages du réel sur la question de leur origine sociale (surprise, aucun n'est natif de la capitale) ou leur histoire d'amour (la plupart des commerces étant tenus en couple). Vite, il ne vous reste que quelques jours pour profiter de ce voyage dans la sélection dédiée à Paris sur le site de La Cintetek (ou d'ailleurs vous pourrez également (re)découvrir la formidable comédie de Julie Delpy 2 Days in Paris - oui double reco ce mois-ci !)


LA RECOMMANDATION DE… ESTHER

Copyright Splendor Films

River of Grass - Kelly Reichardt - 1994 - disponible sur OCS

Synopsis : Derrière les Everglades, la " rivière d’herbe ", vit Cozy, seule, dans un mariage sans passion, ignorant ses enfants. Elle rêve de devenir danseuse, acrobate, gymnaste. Une nuit dans un bar, elle rencontre Lee, un jeune homme sans emploi qui vient de récupérer une arme à feu.

Avant d'arpenter l'Oregon avec sa caméra, décor de cinq de ses films, Kelly Reichardt l'a posé dans sa région d'origine, la Floride, pour son premier long-métrage River of grassUn soir, Cozy, une mère de famille qui s'ennuie profondément et rêve de devenir gymnaste, fait la rencontre de Lee, qui vit chez sa grand-mère. Après avoir tué un homme, les deux comparses prennent la fuite, réalisant leur fantasme d'échappée folle à la Bonnie & Clyde. Mais rien ne se déroulera comme ils l'ont imaginé. 

Dès ses premier pas en tant que cinéaste, Reichardt prouve tout son talent, et ce qui fera le sel de ses films suivants : son sens du cadre, ses personnages de "losers" qui ne rentrent pas dans le monde qui les entoure, le désir de prendre la route, la contemplation de paysages urbains. Ce film étonnant, drôle et mélancolique, que Sean Baker a sûrement vu pour son Florida Project (2017), est "un road-movie sans route, une histoire d'amour sans amour, une affaire criminelle sans crime", selon la réalisatrice. Un must-see, rien que pour sa scène de fin !