Fini les sempiternels « Qu’est ce qu’on regarde ce soir ? » et les longues errances sur Netflix ! Chaque mois, on vous propose quelques recommandations de films disponibles en VOD ou SVOD à travers une thématique féministe, et/ou avec une femme derrière la caméra. Une chose est sûre, il y en aura pour tous les goûts.

Au programme ce mois-ci : un grand écart entre des romances adolescentes et un procès pour infanticide, en passant par Germaine Dulac, le personnage d’une coordinatrice d’intimité et une plongée dans le Los Angeles des années 1990 !

LA RECOMMANDATION DE… CHLOE

Heartstopper (2022) - saison 1 disponible sur Netflix

Synopsis de la série : Partageant une passion commune pour le rugby, les deux adolescents Charlie et Nick deviennent vite amis. Le premier tombe bientôt amoureux de son camarade, même s’il pense qu’il n’a aucune chance.

“Happy New Year Charlie Spring”, Charlie s’avance et voit Nick, son nouveau binôme. Des feuilles d’arbres dansent à l’écran, et la lumière se transforme en petits arc-en-ciel. Dans le lycée pour garçons de Truham, Charlie à un coup de foudre et va intégrer l’équipe de rugby pour se rapprocher de Nick.

Cette série pour ados qui sent la terre, les embruns et le milk-shake, nous transporte dans le quotidien mouvementé d’un groupe d'adolescents qui se cherchent dans leurs sexualités et leurs amitiés. Les personnages se découvrent dans leurs genres et leurs orientations: hétérosexuel, homosexuel (gay ou lesbien), bisexualité et transidentité. L’amitié va être traitée sur un pied d’égalité avec la sexualité durant tous les épisodes, pour nous montrer comment les deux s’opposent et se complètent.  La brutalité ou la sexualité ne sont jamais représentées de manière graphique, ce qui permet de ne pas tomber dans les excès, parfois surréalistes, d’autres séries de la plateforme qui s’intéressent aux mêmes problématiques. 

LA RECOMMANDATION DE… MANON

La Maison de la rue en pente - Yukihiro Morigaki (2019) - série disponible gratuitement sur Arte.tv et la chaîne Youtube ARTE Series jusqu’au 2 septembre 2022

Synopsis de la série : L’existence d’une mère de famille sans histoire est bouleversée par son rôle de jurée, lors d’un procès pour infanticide qui change radicalement sa vision de la maternité.

Lorsque Risako est tirée au sort pour participer à un procès en tant que jurée, elle n’imagine pas que sa vie va basculer. Et pendant les premières minutes, on peine également à comprendre en quoi cet évènement va être important. Puis, la série dessine, autour de sa douce et timide héroïne, les oppressions constantes qui planent sur les mères de familles japonaises. Le mari est contrôlant, dans le jugement. La belle-mère, trop dévouée à son fils, ne s’aperçoit pas qu’il est marié à une personne dans son entièreté plutôt qu’une cuisinière. Les autres mères, soumises aux regards de leurs semblables, n’osent pas faire part de leurs craintes, cachent les différences de leurs bébés, camouflent leurs dépressions post-partum. L’insertion au sein des familles des autres jurés permet à la série de brosser un large portrait d’une société patriarcale et des difficultés liées à la maternité (ou son absence), tout en restant centrée autour de Risako. Cette dernière devient, malgré elle, porte-parole de la solitude et la douleur des femmes. Sous ses allures à première vue très conventionnelles, La Maison de la rue en pente analyse les mécanismes des infanticides au Japon, bouscule les certitudes, assemble les souffrances et devient un cri à l’unisson et une série sur laquelle se jeter avant son retrait de la plateforme.

LA RECOMMANDATION DE… LAURA

La Cigarette - Germaine Dulac (1919) - disponible sur La Cinetek

Synopsis : Bien qu'ils soient amoureux, lorsque Monsieur Guérande voit sa jeune épouse prendre des leçons de golf avec un playboy, il prend conscience de la grande différence d'âge entre lui et sa femme. Afin de la libérer, il décide alors de se suicider, mais en laissant une place au hasard. Il dépose du poison sur une des cigarettes qu'il a sur son bureau. 

La Cinetek a mis à disposition, il y a plusieurs mois, une sélection de films appelés “Les pionnières du cinéma” pour découvrir les œuvres oubliées de grandes cinéastes : Lois Weber, Mabel Normand ou encore Germaine Dulac. Son nom accompagne tout un pan du cinéma d’avant-garde des années 20. Avant cette époque, son œuvre était vue comme plus “classique”, néanmoins on peut déjà apercevoir sa patte visuelle singulière dans La cigarette, considéré comme film-bascule vers un cinéma plus surréaliste. Du mélodrame la réalisatrice arrive à soutirer des relents surréalistes grâce à une mise en scène qui joue sur le symbole offert par la cigarette, un objet qui renferme tout un univers légendaire tiré d’une malédiction égyptienne. Théâtral, La cigarette offre de magnifiques séquences oniriques à l’intérieur d’un simple mais intelligent récit dramatique.

LA RECOMMANDATION DE… LISA

High Maintenance - Katja Blichfeld & Ben Sinclair (2016-2020), saison 4 – épisode 2 Passe-passe - disponible sur OCS

Synopsis de la série : Un dealer de stupéfiants navigue dans New York pour effectuer ses livraisons pour le moins spéciales auprès de clients tous plus névrosés et atypiques les uns que les autres.

D'après la web-série High Maintenance.

« Je suis coordinatrice d’intimité » « Je n’avais pas réalisé que l’intimité avait besoin d’être coordonnée ». Ce premier échange peu ordinaire, est celui qu’ont Kim et Evan, elle, est comme annoncée précédemment coordinatrice d’intimité et lui est magicien/figurant. Ils sont tous deux fans de Steven Universe et se croisent souvent sur les plateaux de tournage de cinéma/série. Leur rencontre et leurs sentiments naissants sont au cœur de la deuxième moitié de l’épisode 2 de la quatrième et ultime saison de la délicate High Maintenance (d’abord websérie en 2014 et série sur HBO de 2016 à 2020). Le pitch de départ de cette série d’anthologie, crée par Katja Blichfeld et Ben Sinclair, est simple. Elle suit les pérégrinations ; souvent à vélo, de « The Guy » un vendeur de cannabis parcourant New-York de clients en clients, d’histoire en histoire, faisant le pont entre celles-ci. Les épisodes pouvant contenir deux à trois histoires différentes. « The Guy » devient au fil de la série ; son moteur, impulsant une étude franche, réflexive et minutieuse des habitant.e.s de New York, soulignant avec un style dit « hyper réaliste », toutes leurs problématiques quotidiennes, qu’elles soient classistes,raciales, migratoires, sexuelles ou même féministes.Cet épisode intitulé « Passe-passe » ne fait pas exception, mais s’inscrit au panthéon des grands épisodes de la série, avec quelques autres. Il s’intéresse précisément au métier de Kim, illustrant à l’écran une profession encore confidentielle de l’industrie cinématographique et sérielle, mais devenu ces dernières années incontournable. Les qualités d’écoutes et de prévenance de Kim sont prolongés jusque dans sa vie amoureuse, où elle s’attache à Evan un homme asexuel mais pas aromantique, nous offrant de scènes d’une tendresse et d’une sensualité inédite. Ce prolongement ingénieux élève la série au rang de réflexion méta, le temps d’un épisode. High Maintenance embrasse le quotidien et sous sa loupe le rend passionnant ; même au milieu du chaos, atteignant par moment le beau voire une forme de grâce fragile.

Un.e coordinatrice.eur d’intimité est la personne en charge de l’accompagnement des équipes et des actrice.eur.s lors du tournage de scènes à caractère sexuelle, qu’elles soient violentes ou consenties, impliquant parfois de la nudité partielle ou frontale. Elle s’assure que tout le monde est bien au clair et d’accord avec ce qui est demandé et vérifie que chacun.e .s est confortable avec le déroulement de l’action et des interactions sur ces scènes. Ce métier est une petite révolution dans la profession ; même sur le plateau de High Maintenance, qui avait embauché sur cette saison, Alicia Rodis, pionnière dans le métier pour avoir travaillé sur une autre série HBO,The Deuce. Elles sont nombreuses à lui avoir emboîté le pas, que ce soit Ita O’Brien (Normal People, I May Destroy You) ou Amanda Blumenthal (Euphoria, The Affair).

LA RECOMMANDATION DE… LEON

Brand New Cherry Flavor - Nick Antosca & Lenore Zion (2021) - série disponible sur Netflix

Synopsis de la série : Los Angeles, années 1990. Fraîchement débarquée du Brésil, Lisa Nova s’installe aux Etats-Unis pour tenter d’y faire carrière en tant que réalisatrice. Flouée par un producteur véreux qui la dépossède de son film, elle décide de se venger, mais son pacte avec une sorcière locale est lourd de conséquences…

Hommage vibrant et poisseux aux films de genre, Brand New Cherry Flavor fait figure d’OVNI dans le catalogue Netflix. Mystérieuse comme un Lynch et stylisée comme un Refn, la série dépoussière avec brio ces classiques du cinéma barré et renoue avec une vision de Los Angeles qui n’est rien de moins que nocturne, crasseuse et incroyablement mystique. Elle ne se démarque néanmoins pas que pour cette esthétique mais également pour son propos féministe, qui tacle la culture du viol et les difficultés que rencontrent les réalisatrices dans l’industrie cinématographique.