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ANNETTE - Festival de Cannes

Ouverture triomphante de cette inespérée 74ème édition du Festival de Cannes, Annette, sixième long-métrage du réalisateur et acteur Leos Carax a ouvert le bal. Après le très remarqué Holy Motors, en 2012, le cinéaste français était attendu au tournant. Il revient fièrement avec une comédie musicale sombre aux thématiques multiples et au casting cinq étoiles au coeur duquel l'irrésistible duo Adam Driver / Marion Cotillard ouvre la voix.

Noir c'est noir il n'y a plus d'espoir

Une scène d'ouverture à en faire pâlir les plus grandes comédies musicales, un Adam Driver hypnotique et une Marion Cotillard renversante,Annette commence très fort. Sur les notes des Sparks qui chantent en coeur So May We Start, nous commençons par entrer dans un univers vivifiant que l'effondrement attend sagement. Si son ouverture annonce, par une mise en abyme, le début d'une grand histoire, Annette, dont les intentions sont immenses tombent rapidement dans un numéro de figures grotesques dont on aurait aimé une alternative plus élégante.

Les thématiques sont nobles et cohérentes surtout là dans le temple du cinéma et du spectacle dont les personnages principaux (l'un est comique, l'autre chanteuse d'opéra) font intégralement partie. Un choix étrange que de présenter ce film en ouverture, après l'agonisation d'un monde fortement touché par la situation sanitaire mais soit. N'est-on pas aussi là pour constater les limites d'un monde glamour dont le vernis peut parfois être uniquement une surface un peu pourrie ?

Malheureusement, le cinéaste arrive difficilement à trouver le ton au sein d'un récit dont les ficelles sont majoritairement trop épaisses. Quand l'artiste déchu et humilié ne fait plus rire et que sa compagne, à l'inverse est au top de sa carrière, ce dernier se meurt dans des excès de violence, tout ça sous le regard taiseux mais ébahi de leur unique enfant, une marionnette dont les fils sont eux aussi trop épais. On admettra néanmoins que les rôles sont parfaitement choisis : Adam Driver incarne un personnage désiré qui a dû mal à comprendre ce qu'on lui trouve (référence à ses débuts de carrière où les moqueries de la presse sur son physique étaient encore trop nombreuses ? ) tandis que Marion Cotillard incarne une actrice dont le talent réside dans sa capacité à mourir de la manière la plus convaincante (référence à sa scène dans le film The Dark Knight Rises de Christopher Nolan dont sa performance lui a valu multiples moqueries ?).

Amour, gloire et naufrage

Leur histoire d'amour, passionnée et passionnante (les médias s'arrachent les potins à leur sujet) sombre dans un tourbillon de malheur où la toxicité de l'artiste ne fait qu'empirer. D'un meurtre à un autre, d'une possession à une autre, il en devient obsessionnel et le désir de la scène finira par le tuer. Pas littéralement mais humainement. Sa propre fille, devenue "vraie petite fille" (juste au moment où elle découvre la véritable nature humaine) pour citer Pinocchio, marionnette qui, elle aussi, fut exploitée par les adultes, ne l'aimera plus jamais. Un véritable moment de grâce où le châtiment ultime a lieu.

Malgré les grosses ficelles et les gros sabots, on retient tout de même une mise en scène sublime dont les décors quasi sensoriels donnent l'impression de voyager sur un plateau de cinéma. La lumière, signée Caroline Champetier, est quant à elle maîtrisée. Elle éclaire, éblouie, transforme les visages. Leos Carax mène une barque en demi-teinte, aussi ennuyante que fascinante où le grotesque croise parfois la grâce.


Notre couverture de la 74ème édition du Festival de Cannes

Réalisé par Leos Carax

Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

En salles le 7 juillet 2021