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GLASSHOUSE - Kelsey Egan - Festival de Films de Femmes de Créteil

Se souvenir

Venu mettre un point final à une soirée d’ouverture sous le signe de la joie et de l’émotion, Glasshouse, de la réalisatrice américaine Kelsey Egan, a ouvert le bal de la compétition du 44ème Festival International de Films de Femmes. Un film à la saveur particulière, dont le lien avec la pandémie — qui avait obligé le festival à fermer ses portes en 2020 et à offrir une version en ligne en 2021 — se fait naturellement.

La réalisatrice n’a pas pu être des nôtres en cette soirée d’ouverture mais elle nous a offert une vidéo où elle est venue retracer le contexte étrange de la production de son premier long métrage, ainsi que son propos sur la mémoire que le film exploite dans une ambiance post-apocalyptique. 

La mémoire comme outil de pouvoir

Glasshouse est avant tout une dystopie, un monde qui souffre d’une épidémie à cause d’une toxine, appelée le “shred”. La respirer fait perdre la mémoire à court terme et transforme les êtres humains en légume sans identité à long terme. Une famille survit cependant, au fin fond de la forêt, dans une serre qui leur permet de se nourrir et d’avoir suffisamment d’oxygène. Une mère et ses quatre enfants, dont le quotidien est rythmé comme du papier à musique. Chacun possède son rôle et la journée se passe au son des différentes chansons, des ritournelles servant de mémoires collectives. Leur sérénité est mise à mal le jour où l’aînée, Bee, pense reconnaître son frère perdu dans la silhouette d’un inconnu qui est entré dans leur territoire. L’étranger pénètre dans la serre et se faufile dans leur quotidien. D’abord blessé et affaibli, l’homme sans nom ni identité s’installe à long terme et bouleverse alors le calme de la maisonnée. 

S’il est question de mémoire dans Glasshouse, il est surtout question de pouvoir. Qui se souvient détient la clef de tout. Pour mieux nous perdre, Kelsey Egan rend son film extrêmement bavard. Il y a ces chansons rituelles, ces histoires que l’on se raconte tous les soirs, ces mots, rythmés comme une prière, répétés quotidiennement pour se raccrocher à quelque chose. Les personnages portent leur identité en collier, une revendication rare et précieuse dans un univers où le nom se perd si aisément. Dans ses moments de tensions, le film prend les contours d’une histoire que l’on connaît bien, celle d’un homme, qui dans un univers matriarcal, prend les rênes du pouvoir. Les souvenirs du livre Les Proies (adapté deux fois sur grand écran, par Don Siegel et Sofia Coppola) apparaissent quand l’homme étranger fomente un plan pour pouvoir rester à l’abri dans la serre. Mais il semblerait que la réalisatrice se serve de cette dimension du souvenir pour analyser d’une manière surprenante les mythes et les histoires qui nous sont contées. La noirceur du récit nous emmène dans une réflexion passionnante sur la puissance d’une narration dans un moment vulnérable. La même histoire n’aura pas le même impact à deux instants T. Nourri⋅es par un environnement confiné, sans regard extérieur, les protagonistes du film n’ont que leurs propres histoires à raconter, sans connaître leur taux de véracité. 

Film de genre et de corps

Rythmé par la parole, Glasshouse donne aussi une importance accrue aux corps et à leurs besoins. Le corps des étrangers, qui ont eu la malchance de croiser le chemin de la serre, devient un corps nourrissant les plantes que les membres de la maisonnée ingurgiteront. Les parties du corps sont découpées et prennent part aux rituels menés par la mère, mêlant aspects telluriques et spirituels. Les corps, transformés en tas de chair, se transforment à nouveau en terrain fertile, qui viennent alimenter les plantes essentielles à la survie. L’arrivée de l’étranger, épargné d’une balle dans la tête, amène une autre fonction corporelle, cette fois-ci érotique. La réalisatrice esquisse les différents désirs qui éclosent et les corps qui se rapprochent. Si certains désirs sont réciproques, d’autres le sont moins. La cinéaste aborde des pratiques sexuelles effectuées sous contraintes, dans un environnement qui les favorise, sans forcément s'appesantir dessus. 

Glasshouse souffre cependant d’un nombre conséquent de défauts, inhérents peut-être à un premier long métrage tourné avec un petit budget, dans des conditions sanitaires instables. Néanmoins, le film de Kelsey Egan fait le lien avec la nouvelle catégorie du festival, intitulée Elles font genre, qui va proposer tout le long de la semaine une programmation passionnante, vibrant sous le signe de la tension extrême et de la célébration d'un cinéma où tout est possible. Glasshouse fait alors figure de proue d’un festival qui s’annonce alléchant. 


Retrouvez toute notre couverture du Festival de Films de Femmes de Créteil

Réalisé par Kelsey Egan

Avec Jessica Alexander, Kitty Harris, Anja Taljaard, Adrienne Pearce ...

Le « Shred », une toxine mortelle dont les effets proches de la démence effacent la mémoire de ceux qui en sont atteints, se propage. Pour s’en protéger, une mère, ses trois filles et son fils s’isolent dans une grande verrière, que la mère appelle le « Sanctuaire′′. Leur tranquillité est bouleversée lorsque l’aînée invite un inconnu blessé au sein de leur foyer.