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H6 - Ye Ye

Auprès des patients

L’hôpital numéro 6 de Shanghai est un des plus grands hôpitaux de la ville, elle-même immense puisqu’elle détient le titre de la ville la plus peuplée de Chine. C’est après une hospitalisation en France que la réalisatrice d’origine chinoise Ye Ye a choisi de poser sa caméra dans cette infrastructure de santé. Elle a suivi des proches de patients de tous les âges, là pour une fracture comme pour une opération possiblement létale.

Un trop large choix de sujets ?

Si Ye Ye a choisi le cadre de l’hôpital numéro 6 parce qu’elle y a travaillé lors du tournage d’une série télévisée, l’idée affiche également sa pertinence dans le bouillonnement qu’elle représente. Dans un hôpital, les patients, riches comme pauvres, originaires de la ville ou venus de la campagne, sont tous à égalité face à la mort. On retrouve ainsi une intention de filmer un large spectre de la population chinoise dans des situations similaires. H6 souffre pourtant d’une volonté de traiter d’un trop grand nombre de sujets. Le film, d’une durée d’1h57, ne parvient pas à s’approcher suffisamment de chacun de ses protagonistes ou à illustrer un enjeu précis. Aborder énormément d’éléments n’est, en soi, pas un défaut mais, à force de vouloir parler de tout, H6 finit par oublier de parler de quelque chose. La caméra capture des instants sans qu’ils trouvent nécessairement de sens dans le lot d’informations données de façon qui semble un peu hasardeuse. La détresse des familles face aux frais engendrés par l’hospitalisation de leurs proches ne résonne pas toujours suffisamment face à l’approche du décès vécu par la propre personne hospitalisée. On devine que certaines scènes se veulent positives sans nécessairement le retranscrire. Malgré un excellent postulat, H6 n’est pas le témoin d’une culture auquel il aspire mais un brouillon rempli de bonnes intentions qui ne vont jamais au-delà.  

Le regard multiculturel

On note tout de même, quelques belles scènes qui témoignent d’une approche humaniste, comme lorsqu’un père confie au personnel soignant qu’il n’a toujours pas annoncé à sa fille hospitalisée, le décès de sa mère, survenue dans le même accident. La discussion, abordée avec beaucoup de pudeur, est brièvement captée au détour d’un couloir, ce qui permet au film de faire preuve d’une bienveillance nécessaire. On s’approche ici effectivement d’une illustration de la résilience dont font davantage preuve les Chinois que les Français. Le regard de la réalisatrice s’affirme pleinement : Ye Ye rappelle à travers un moment extrêmement touchant que l’approche de la mort peut être aussi différente que courageuse dans son pays d’origine. Pourtant, il est difficile, au cours du documentaire, de comprendre toutes les réflexions et émotions qui traversent les personnes filmées.

C’est d’autant plus dommage que H6évoque, dans son concept, la question d’un regard multiculturel. En présentant en France un film chinois réalisé par une chinoise à la suite de son expérience dans l’hexagone, Ye Ye tenait une approche nécessaire pour mieux comprendre les cultures de chaque pays. Les mécanismes face au deuil ou à son propre décès auraient cependant gagnées être plus explicites. Le caractère central de l’hôpital et les sentiments des patients ne sont pas assez exploités cinématographiquement parlant. On ressent effectivement un caractère anxiogène, notamment lorsque les proches s’affichent comme étant dépassés par les frais d’hospitalisation, mais l’entièreté du lieu n’est jamais complètement utilisée. Le refus d’une narration linéaire est tout à fait louable, d’autant plus que la gravité des situations filmées le nécessite, mais les scènes auraient gagné à s’axer davantage entre elles pour atteindre une justesse constante.  


Réalisé par Ye Ye

Le destin de cinq familles se joue à l’hôpital N°6 de Shanghai. A travers leurs histoires croisées se dessine un portrait de la Chine d’aujourd’hui entre culture traditionnelle et modernité. La solidarité, la tendresse et le sens de l’humour permettent aux familles et patients de tenir le cap face aux aléas de la vie.

En salle le 2 février 2022