Sorociné

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JANE PAR CHARLOTTE - Charlotte Gainsbourg

Vers la tendresse

Le titre est trompeur, il ne s’agit pas totalement d’un regard de réalisatrice, mais plutôt l’esquisse d’un portrait filial, presque un écho sororal. Il s’agirait plutôt de Jane et Charlotte ou alors de Jane avec Charlotte. Charlotte est organiquement trop présente dans la vie de Jane, et dans ce documentaire pour n’être que sa réalisatrice. Elle en est, sans le vouloir, et malgré elle, une pièce maîtresse, une partie de Jane qu’on ne peut occulter, d’ailleurs ni l’une ni l’autre n’en n’ont envie, tant on sent leur complicité et leur franchise respectives se toucher, s’apprivoiser et s’aimer au fils des séquences que Gainsbourg a monté sur plusieurs années. Charlotte Gainsbourg le dit d’ailleurs « Pourquoi apprend-on à vivre sans sa maman ? Il me semble que c’est un but qu’on se donne. S’affranchir à tout prix. J’ai pas envie de m’affranchir. »

Elle fait le choix d’une lettre visuelle, au long cours, adressée à sa mère. Elle observe le rapport qu’elles entretiennent l’une à l’autre. Leurs vies respectives comme des caisses de résonances infinies.  Son portrait n’est pas celui qu’avait déjà fait Agnès Varda en 1988 avec Jane.B par Agnès .V, où elle captait fantasque et malicieuse l’esprit solaire d’une Jane Birkin alors âgée de quarante ans.

Gainsbourg propose, elle, des morceaux partagés de la vie de sa mère, consciente de son statut mythique d’icône sur plusieurs générations. Pourtant, elle nous fait entrer dans cette intimité qu’elle questionne « On a toutes les deux une pudeur, l’une en face de l’autre et je ne sais pas d’où elle vient » (Charlotte à Jane).

 Elle nous autorise à ne pas être totalement dans une position voyeuriste, même si nous restons spectateur.rice. C’est là que se niche le regard de la réalisatrice, elle y est claire et tendre et nous entre-ouvre les portes de ce royaume et enlève le vernis de la célébrité que toute la famille suscite.

On atteint même des sommets d’émotions et fragilité, lors d’une séquence au 5 bis rue de Verneuil, où vécu Serge Gainsbourg, et où mère et fille, pénètrent ensemble pour le première fois depuis des années. Elles déambulent dans leurs souvenirs, dans un lieu comme un mausolée, qui deviendra bientôt un musée public ; un projet sur lequel Charlotte Gainsbourg travaille depuis des années, peut-être une nouvelle fois dans le but de démystifier son héritage familial . On assiste également a de beaux moments choisis de vérités matricielles dans la grande maison de Jane Birkin avec la complicité joueuse de sa petite-fille la jeune Jo Attal, à l’abri des regards, sur une côte bretonne.

Charlotte Gainsbourg filme Jane Birkin, et l’interroge mais surtout, elle la photographie. Là, on peut vraiment parler de Jane par Charlotte, tant ce choix de mise en scène simple, pose un regard précis d’une femme sur une autre, d’une artiste pluridisciplinaire sur une autre et d’une fille sur sa mère. 


Réalisé par Charlotte Gainsbourg

Avec Jane Birkin, Charlotte Gainsbourg

Charlotte Gainsbourg a commencé à filmer sa mère, Jane Birkin, pour la regarder comme elle ne l’avait jamais fait. La pudeur de l’une face à l’autre n’avait jamais permis un tel rapprochement. Mais par l’entremise de la caméra, la glace se brise pour faire émerger un échange inédit, sur plusieurs années, qui efface peu à peu les deux artistes et les met à nu dans une conversation intime inédite et universelle pour laisser apparaître une mère face à une fille. Jane par Charlotte.

En salle le 12 janvier 2022