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PETITE MAMAN

La petite cabane des souvenirs

En pleine promotion de Portrait de la jeune fille en feu en 2019, Céline Sciamma s’attelle déjà à l’écriture de son prochain film, Petite Maman. C’est tout un monde qui sépare les falaises normandes de la pyramide de Cergy Pontoise. Pourtant, on y trouve la même sincérité d’émotion, qui jaillit sans prévenir dans l’intimité des relations humaines. La tempête amoureuse laisse ici place à la quiétude de l’enfance, bercée par les rêves et l’imaginaire. Dans un film très court, Sciamma conte un voyage dans le temps d’une grande tendresse.

Dans l’Ehpad où elle vient de perdre sa grand-mère, Nelly fait des mots-croisés avec l’une des résidentes. Ce geste, presque trivial, qui ouvre Petite Maman est pourtant lourd de sens : la petite fille conjure la tristesse en reproduisant ses propres souvenirs comme une source de réconfort. Une faculté, peut-être propre à l’enfance, que le monde adulte ne parvient pas à chérir. Nelly devient le temps d’un trajet en voiture elle aussi une petite maman, et console le deuil silencieux de sa propre mère, Marion. 

Construire un chez-soi

C’est presque en huis clos que se déploie le récit de Petite Maman. Sa mise en scène minimaliste laisse éclore l’émotion, et transforme le décor en un terrain de jeu gigantesque. Il suffit de franchir une porte pour que la magie opère : celle discrète du cinéma qui, à travers le montage, transcende les limites du temps. Le film dissémine tout du long son étrangeté, sans jamais la révéler totalement, en nous plaçant à hauteur d’enfant. Plus que de voir, Petite Maman parvient à faire éprouver, le temps d’une heure et quart, la crédulité merveilleuse de l’enfance. 

En refusant le film de fantôme, Petite Maman donne chair aux souvenirs. La maison familiale fourmille de détails qui se métamorphosent en vivant. Les couloirs vides résonnent des rires d’enfants jusqu’à en imprégner les murs. C’est dans la simplicité de son quotidien que le film rappelle le réconfort d’un foyer : autour de la préparation hasardeuse de crêpes et la dégustation d’un bon repas, c’est les liens qui se tissent ensemble qui transcendent le temps, la maladie et la mort. C’est trois générations de femmes qui demeurent éternelles à travers leur héritage commun, matérialisé par une simple grille de mots-croisés. Le caractère intemporel de la maison permet à chacun‧e d’y projeter son chez-soi, et invite à se replonger dans un vécu réconfortant, appuyé par la photographie chatoyante de Claire Mathon. 

Porté par deux soeurs, Joséphine et Gabrielle Sanz, Petite Maman redessine les contours d’une relation mère-fille, qu’elle met sur un pied d’égalité : chacune nourrit et élève l’autre. C’est la rencontre de deux meilleures amies qui se ressemblent et apprennent l’une de l’autre, animées par la même fougue et curiosité. 

Loin du petit film auquel on voudrait faire croire, Petite Maman brille par la pureté de ses sentiments, candides mais jamais naïfs. C’est une ode à l’enfance et à l’aventure, emmenée par la jolie Musique du Futur (Jean-Baptiste de Laubier), dans laquelle on se laisse doucement embarquer, et qui, sans crier gare, nous fait voir le monde à nouveau comme des enfants. Et c’est bien la marque des grands films, capables de rendre le monde un peu moins triste en offrant de si précieux instants d’émerveillements. 


Réalisé par Céline Sciamma

Avec Joséphine et Gabrielle Sanz, Nina Meurisse, Stéphane Varupenne et Margot Abascal

Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère. Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Nelly est heureuse d’explorer cette maison et les bois qui l’entourent où sa mère construisait une cabane. Un matin la tristesse pousse sa mère à partir. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois. Elle construit une cabane, elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.

En salle le 2 juin 2021