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RIEN À FOUTRE - Champs-Élysées Film Festival

Présenté à la Semaine de la Critique 2021 lors du dernier Festival de Cannes, Rien à foutre a parfaitement clôturé le Champs-Élysées Film Festival. Déjà acclamé par la critique en juillet dernier, le premier long-métrage de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre, est une oeuvre brute et empreint d'une sensibilité unique où Adèle Exarchopoulos rayonne.

Décalage horaire

Autour d'une table, Cassandre, 26 ans et hôtesse de l'air pour une compagnie low-cost, dîne avec ses amies. Enchantées, envieuses, désireuses, elles révèlent à quel point la vie de leur amie, constamment dans les airs, les fait rêver. La scène arrive "tardivement". Le public sait, lui, que Cassandre est, comme dans beaucoup de métiers, coincée (même le cadrage serré, ne lui permet pas de s'échapper) dans un quotidien moins glamour où les allers-retours entre la France et l'Espagne se révèlent lassant voir déprimant.

Mine boudeuse, Cassandre est brillamment incarnée par une Adèle Exarchopoulos (que l'on imagine très bien tout envoyer en l'air en lâchant un "rien à foutre" ) qui signe l'une de ses meilleures performances. À l'image du duo de cinéastes, elle est d'une justesse remarquable comme en témoigne cette scène face caméra où ses essais pour intégrer une autre compagnie, révèle, en un regard, toute sa fragilité jusqu'alors retenue.

© Condor Distribution

Par le biais d'une écriture intelligente et d'un dispositif mi-fiction, mi-documentaire, où l'on devine les quelques images sauvages des aéroports et des avions, Rien à foutre dresse surtout le portrait d'une jeunesse désabusée où les rêves laissent place à la solitude et à la mélancolie. Les "date" Tinder s'enchaînent comme les post Instagram : sans saveurs et sans avenirs. Par les airs, Cassandre fuit avant tout le déchirement d'un deuil encore trop frais, les douloureux souvenirs d'une mère disparue brusquement et les réunions de famille qui rappellent violemment cette perte.

Comme pour accentuer l'opacité d'une désillusion trop difficile à accepter, le film se clôture sur l'image de l'hôtesse de l'air, le sourire masqué et le corps tourné vers le Burj Khalifa à Dubaï, eldorado des désirs superficiels, largement affichés ces derniers mois sur les réseaux sociaux.

Faussement provocateur, Rien à Foutre est une oeuvre pointue qui n'hésite pas à bousculer, via des perturbations maitrisées, les spectateur·rices. Empreint d'une modernité quasi instantanée, elle se fait le délicat témoin d'une époque blasée dont Adèle Exarchopoulos se fait incontestablement la digne et merveilleuse héroïne.


Réalisé par Julie Lecoustre et Emmanuel Marre

avec Adèle Exarchopoulos, Alexandre Perrier, Mara Taquin

Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Vivant au jour le jour, elle enchaîne les vols et les fêtes sans lendemain, fidèle à son pseudo Tinder «Carpe Diem». Une existence sans attaches, en forme de fuite en avant, qui la comble en apparence. Alors que la pression de sa compagnie redouble, Cassandre finit par perdre pied. Saura-t-elle affronter les douleurs enfouies et revenir vers ceux qu'elle a laissés au sol ?

Prochainement en salles