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SHIVA BABY - Emma Seligman

Bisexual disaster 

En 2018, Emma Seligman réalisait son court-métrage de fin d’études intitulé Shiva Baby : le récit de Danielle, une jeune étudiante paumée, bisexuelle et juive qui se retrouve confrontée à son sugar daddy en pleine Shiv'ah. La jeune réalisatrice s’inspire de son expérience personnelle et retranscrit tout le chaos d’une réunion de famille qu’elle étire dans son premier long-métrage éponyme. Passé par Deauville en 2020, le film sort en exclusivité sur MUBI

Curieux mélange du Mother ! d’Aronofsky (l’horreur en moins) et du Krisha de Trey Edward Shults - influence clairement revendiquée-, Shiva Baby se construit comme une comédie grinçante et anxiogène. La caméra virevolte au plus près de Danielle, prise au piège de l’immense maison lors d’une cérémonie religieuse : l’ambiance y est particulièrement claustrophobe, accentuée par la masse de personnages qui s’empare du moindre recoin de la demeure. Emma Seligman joue sur l’accumulation et propose une mise en scène anxiogène qui ne laisse aucun répit à son personnage, ainsi qu’à ses spectateur‧ices.

Si le film ne franchit jamais la barrière horrifique, il distille un certain malaise par son expérience de l’invasion, ici de l’espace personnel. Les hurlements d’enfants se joignent au brouhaha ambiant, tandis que le corps de Danielle est sans cesse agrippé par les membres de la famille. Les gestes d’abord sympathiques deviennent envahissants puis insupportables à mesure que la situation se tend. Danielle ne trouve aucun refuge, tiraillée entre son ex, son sugar daddy et sa femme, et ses parents. 

Shiva Baby offre une expérience littérale du cauchemar millennial, envahi par un chaos existentiel qui lui est propre. Danielle doit justifier auprès de l’intégralité de sa famille ses études de sociologie, axée sur le féminisme, loin du prestige d’une école de droit aux yeux de ses parents. C’est l’anxiété des interactions sociales, vides de sens, qui se répètent durant toute une après-midi. Mais c’est aussi une confrontation de plusieurs générations, qui engendre tout un tas de clichés sur la bisexualité et sur la jeunesse en général. 

Pourtant, Emma Seligman témoigne d’un profond attachement à une galerie de personnages délirants, et empêche le film de verser dans le drame. Grâce à une écriture ciselée et un sens de la gêne percutant, le film dresse le portrait d’une communauté imparfaite, mais aimante et soudée. Pour son premier film, la jeune cinéaste signe un long-métrage qui incarne sans doute à merveille la définition du bisexual disaster, à savoir un film profondément bordélique et férocement drôle. 


Réalisé par Emma Seligman

Avec Rachel Sennott, Molly Gordon, Polly Draper...

Les situations embarrassantes s’enchaînent pour Danielle lors d’une Shiv’ah, un rassemblement funéraire juif : en plus de devoir affronter ses proches indiscrets, elle est secouée par la présence d’une ex-petite amie ainsi que par celle de son sugar daddy, qui se présente avec sa femme et son bébé.

Disponible le 11 juin sur MUBI