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TÓDALAS MULLERES QUE COÑEZO - Festival Ojoloco

Freedom is no fear ! 

Durant le Festival Ojoloco, nous pouvons avoir accès à un programme dédié aux femmes, intitulé Espacio femenino. Un cycle de trois films, en partenariat avec l’Institut Cerventes de Lyon, incluant des récits consacrés aux femmes dans le milieu culturel. 

Les mots de Nina Simone résonnent au début du documentaire de Xiana do Teixeiro, Tódalas mulleres que coñezo Freedom is no fear”. C’est un extrait d’un autre documentaire Nina, an Historical Perspective de Peter Rodis. Des mots puissants pour commencer un film où les mots ont la part belle justement. Une discussion sur la peur des femmes dans la rue, qui commence comme une réunion entre copines, avant de se transformer en véritable analyse de notre société, de sa construction. Tout y passe : la culture du viol, la peur de l’agression tard le soir, les différents tips pour se faire le plus invisible possible dans la rue, jusqu’à l’éducation binaire des enfants, qui entretient la peur d’un côté et l’irresponsabilité de l’autre. 

Tódalas mulleres que coñezo se traduit par “Toutes les femmes que je connais” en galicien. Tourné en 2018 par la réalisatrice espagnole Xiana do Teixeiro, le film est découpé en trois parties. La première est filmée à la cool, sur une terrasse de café. Bière à la main, cinq amies (dont la réalisatrice) se parlent des agressions dont elles ont été victimes dans la rue. Une première débute en confiant sa peur croissante devant un stalker, qui jours après jours, la suit jusque devant chez elle. La voix parfois chevrotante, malgré ses rires et son air détaché, elle revient sur le peu de soutien qu’elle a reçu parmi ses proches, balayant d’un revers de main des semaines d’angoisses. Ce premier témoignage en amène d’autres, très similaires. Elles confient leur culpabilité de sortir tard, ou de partir seules en vacances. La peur d’une agression bien spécifique, le viol. Elles ont pourtant des gestes pour se rendre invisibles, rentrés dans leur quotidien. Le pull à capuche pour cacher son visage. Un sifflet serré dans la main. Un coup de téléphone à une personne fictive. Ces témoignages nous semblent trop réels. Les mots traversent le cadre pour trouver écho chez les spectateur‧trices pour qui ces expériences sont tout aussi réelles.

Une parole libérée

Tout comme Un pays qui se tient sage, où la mise en abîme des images sur les intervenants était au centre du film de David Dufresne, Xiana do Teixeiro utilise à peu près le même concept. Au bout de vingt minutes, le cadre change. Les voix s’éloignent et la caméra s'intéresse à des yeux scrutant l’écran où passent les images que nous venons de voir. Une transition qui permet de souffler, et surtout de reposer à plat le débat. Après la projection, la cinéaste réunit un groupe de femmes, la génération d’avant, celle qui élève les enfants et adolescents de demain. La parole se transmet tout aussi bien, malgré l’aspect plus conventionnel du cadre. Ces femmes poussent le débat plus loin que l’expérience intime et posent de nouvelles questions. Comment éduquer la jeune génération ? Les médias n'entretiennent-ils pas la peur chez les femmes, dans le simple but de les contrôler ? Un discours auquel pourront répondre un peu plus tard, un autre groupe, des lycéen‧nes, qui ont pu voir à la fois la discussion entre amies et celle de ces femmes et mères inquiètes pour le futur. Questionné par la réalisatrice, ce groupe est cette fois-ci mixte, permettant à la fois aux adolescent.es de s’exprimer, mais aussi qu’ils puissent écouter leurs camarades féminines sur des sujets auxquels ils ne s’étaient peut-être jamais intéressés jusqu’alors. 

Nous sortons à la fois éreinté de cette logorrhée ininterrompue, mais aussi bizarrement soulagé. Soulagé d’entendre certaines expériences communes, auxquelles on répond “non, ce n’est pas normal”, “oui, tu as eu raison de porter plainte”. Soulagé de voir la nouvelle génération prendre à bras le corps ces problèmes et mettre le doigt où ça fait mal. Dans un style sans artifice, malgré une image noire et blanche peu contrastée, Xiana do Teixeiro libère la parole. Une parole intime, structurée, nécessaire, qui pousse à la réflexion sur la peur des femmes à s’emparer de la rue. “Pour que les femmes soient respectées, crues, valorisées, il faut, avant tout, œuvrer à ce qu’elles soient vues et entendues” nous dit Lauren Bastide dans son livre Présentes. Tódalas mulleres que coñezose présente comme une réponse audiovisuelle à cette certitude.


Toutes nos chroniques du Festival Ojoloco

Réalisé par Xiana do Teixeiro

Une «mise en mots» pour réfléchir au déséquilibre social entre hommes et femmes en Espagne. Un film parlé, fait de conversations cruciales tournées en trois scénarios prenant comme point de départ les événements d'Alcàsser et les changements de comportement qu'ils ont apportés aux femmes à l'échelle nationale.