Truth or Consequences est une ville du Nouveau-Mexique. Elle tire son nom (improbable) d’une émission de radio des années 1950. On y trouve, à 35km du centre, la première station destinée au tourisme spatial : Spaceport America. Hannah Jayanti, réalisatrice de documentaires, a planté sa caméra dans une ville qui se meurt, à travers les témoignages de quelques habitants, se remémorant leurs souvenirs ou désespèrent de la moyenne d’âge sur place.

La perdition de l’Amérique rurale, abandonnée à son sort, a souvent été le sujet d’œuvres. On pense notamment au documentaire de Frederick Wiseman, Monravia, Indiana qui présentait le quotidien d’une petite ville du Midwest. Dans un autre registre, on pense encore aux films, documentaires comme fictions, qui ont immortalisé les maisons abandonnées de Détroit ou d’autres quartiers, villes, régions oubliées dans l’immensité des Etats-Unis. Le Nouveau Mexique ne fait visiblement pas exception à la règle, comme le présente Jayanti dans (et avec)Truth or Consequences, qu’elle montre comme dernier vestige d’une vie passée.

Le film propose un parallèle avec la curieuse installation qu’est le Spaceport, symbole d’une ultra-modernité mais aussi d’une richesse (le tourisme spatial n’est pas abordable pour tous), loin du niveau de vie des témoins locaux. Jayanti plante une double réflexion, à travers l’observation d’un monde étouffé par un autre. Il y a celui d’une classe populaire qui s’achète des chaussures au Walmart et vit dans le souvenir d’une autre époque, et celui, invisible, d’une classe aisée, qui rêve de quitter la Terre. La notion de territoire est, sans être trop appuyée, très forte dans Truth or Consequences. Un témoin exprime sa foi en beaucoup de choses, dont la terre, le feu, la roche – observée en détail plus tard. Le documentaire prend une dimension beaucoup plus universelle et s’éloigne de son strict sujet pour devenir la vision d’une planète entière et tout ce qui compose son essence.

Le lieu est, par sa simple existence, un symbole sur ce qui forme les rêves des générations à venir. Hannah Jayanti n’émet pas de réelle fatalité et n’est pas non plus nostalgique d’un temps passé. Au contraire, les témoignages ne présentent pas vraiment de souvenirs très heureux. Elle choisit d’enfermer progressivement les habitants de Truth or Consequences dans un lieu qu’ils ne peuvent quitter. Le film est, dès ses premières images, fortement mélancolique, ce qui est appuyé par les notes du compositeur Bill Frisell.  Au-delà de l’enjeu social, la réalisatrice tisse habilement l’observation d’une condition humaine, soumise aux aléas du temps et de l’espace, face au rêve inatteignable de s’enfuir un jour, loin de là. Les quelques effets de style choisis par Jayanti ne font qu’accentuer la vision de cette douce mélancolie qui nappe des habitants de Truth or Consequence et font état d’un esprit général, en cette période tourmentée, où l’humanité rêve d’un ailleurs, non-accessible à tous.

Réalisé par Hannah Jayanti

Un documentaire sur une petite ville désertique du sud du Nouveau-Mexique. Situé dans un futur proche où les humains quittent la Terre pour d'autres planètes, le film raconte l'histoire des gens qui sont restés.

Disponible sur MUBI le 21 septembre