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FAIR PLAY - Chloe Domont

Copyright Sergej Radovic/Netflix

Qui a peur du pouvoir des femmes ?

Sur Netflix, le nouveau film de Chloe Domont raconte intelligemment l'emprise dans le boy's club doré de la finance.

C’est sur le refrain du langoureux Love to Love You Baby de Donna Summer que démarre Fair Play. Le même morceau qui clôt le premier épisode de The Idol. Spoiler : le film Netflix et la série controversée de Sam Levinson traitent tous deux d’une relation abusive au détriment de la protagoniste féminine. Tous deux embrassent la dimension charnelle de la violence, mais la comparaison s’arrête là. Dans Fair Play, certes, les personnages manient les fonds spéculatifs comme s’il n’y avait pas de lendemain, portent des costumes de marque et se saoulent au meilleur des whiskeys. Seulement, ici, rien de glamour. La caméra de Chloe Domont met à nu toute la violence d’un capitalisme débridé et patriarcal à travers la descente aux enfers d’un couple.

Pressenti pour un poste prestigieux, Luke déchante quand c’est sa compagne, Emily, qui est promue. Les deux traders cachent leur relation sur leur lieu de travail, un entre-soi masculin où l’on ne compte pas ses heures. Portée aux nues puis détruite le lendemain, Emily découvre le sort réservé aux femmes ambitieuses, y compris dans la sphère intime. Tenir un propos féministe comme le fait Chloe Domont dans ce cadre froid, qui fait irrémédiablement penser à American Psycho ? Le défi était de taille. De l’aveu de la réalisatrice, c’était aussi l’avis de ses consultants, qui redoutaient que le public ne puisse pas s’identifier aux personnages. Néanmoins, le rendu final est assez fin pour ne pas grimper les échelons des hautes sphères sans laisser son spectateur en bas. Évitant le jargon jargonneux de la finance, Fair Play fait ressortir des trames plus accessibles, comme la rivalité professionnelle dans le couple, sujet bien trop rare à l’écran, et l’ambivalence des femmes de pouvoir, sans tomber dans la figure insupportable de la girlboss. Une agréable surprise venant de la plateforme abonnée aux thrillers sulfureux de mauvaise facture.

LEON CATTAN