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FAYE - Laurent Bouzereau

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Faye et ses failles

Portrait intime de l’actrice légendaire du Nouvel Hollywood présenté à Cannes en mai dernier, le documentaire Faye perce le mystère Dunaway à travers archives, témoignages et interviews de l’icône elle-même. S’il aborde classiquement une carrière qu’on sait exemplaire, le film surprend et bouleverse quand il met en lumière les problèmes de santé mentale de la star et son rapport à la maternité.

29 mars 1977. Au bord de la piscine de l’hôtel Beverly Hills au lever du jour, Faye Dunaway pose négligemment devant l’objectif du photographe Terry O'Neill. Son attitude est mi-blasée, mi-fatiguée. Devant elle, l’Oscar qu’elle vient de remporter pour Network de Sidney Lumet. Au sol, les unes des journaux en adoration. 

L’image est célèbre. Le réalisateur Laurent Bouzereau (connu pour ses making-ofs auprès de Steven Spielberg depuis) en fait logiquement le point de départ de son documentaire consacré à la star. Logique, tant la photo représente un point de jonction dans sa carrière (Network marque l'apothéose, mais aussi la fin de sa période dorée), comme dans sa vie privée (la photo est prise par son compagnon Terry O’Neill, avec lequel elle s’éloigne de Hollywood pour élever leur fils adoptif né en 1980). Le documentariste pousse le vice jusqu’à rencontrer Faye Dunaway 46 ans jour pour jour après ce lendemain de soirée sur papier glacé. Aujourd’hui, la star à 83 ans, mais un charisme toujours intact. Désinvolte, sûre d’elle et un peu caractérielle. Une star éternelle dont on prend plaisir à se replonger dans sa vie de cinéma, y compris dans ses aspects les plus méconnus comme son amour du théâtre et ses tentatives de passage derrière la caméra. 

Comme dans tout documentaire hagiographique, Faye revient sur les grands rôles d’une carrière qui n’en manque pas. De ses débuts à l’Actors Studio et son ascension au cœur du Nouvel Hollywood, la part belle est surtout faite à ses quatre grands classiques des années 60/70 - Bonnie and Clyde, L’Affaire Thomas Crown, Chinatown et Network - (laissant de côté hélas quelques grands film comme Portrait d'une enfant déchue dont le parallèle avec l’actrice aurait mérité d’être plus approfondi) , puis son retour en grâce dans les films d’une nouvelle génération de cinéastes admiratifs - Emir Kusturica, James Gray, Luc Besson. Assez classique donc, avec son lot de témoignages élogieux d’anciens collaborateurs sur son travail et d’anecdotes plus ou moins croustillantes (elle avoue avoir expressément demandé par exemple à Nicholson de la frapper sur une scène de Chinatown pour plus d’intensité dramatique).  On retient toutefois son retour sur l’ovni culte et camp de sa carrière, Maman très chère de Franck Perry, rôle incompris qui lui valu les moqueries avant l’adulation. Elle y incarne de manière outrancière et violente une autre icône, Joan Crawford, dont on découvre d’ailleurs dans le documentaire une archive croustillante sur la manière dont elle voyait la jeune Faye quinze ans auparavant. L’occasion de noter que, comme sur la photo évoquée en préambule, l’actrice aux rôles puissants semble bien seule à Hollywood. Si le sujet n’est hélas pas abordé frontalement ici, la difficulté d’évoluer en tant que femme dans l’univers très masculin du Nouvel Hollywood est présente en filigrane. L’actrice déplore par exemple les critiques des féministes à l’époque de Network envers son personnage de méchante, qui s’imprégnait des codes virils pour parvenir au pouvoir, alors qu’à l’époque les premiers rôles féminins complexes étaient particulièrement rares. On regrettera aussi l’absence d’évocation du tabou de la vieillesse à Hollywood, l’actrice ne revenant jamais sur ce que vieillir au pays des injonctions à la jeunesse et la beauté a eu pour conséquences sur sa carrière, à l’inverse d’un documentaire HBO voisin consacré à l’autre icône de l’époque, l’excellent Jane Fonda in Five Acts (Susan Lacy, 2018).   

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Le documentaire revient par ailleurs sur la réputation « difficile » de l’ambitieuse et intransigeante comédienne (qu’elle joue encore en début d’interview dont on voit les coulisses).  Manière de la mettre dans une case, isolée d’autres comédiennes de sa génération plus conventionnelles. D’ailleurs, aucune femme à part son “héritière” Sharon Stone ne témoigne dans le film. L’actrice promène, il est vrai, une aura particulière, indiquant fièrement avoir construit le personnage de Faye Dunaway en opposition à la gamine du Sud qu’elle était et dont il ne resterait aujourd’hui plus rien. Une dissociation matricielle pour l’icône, qui aborde ici pour la première fois face caméra des sujets intimes comme son rapport complexe à la maternité et ses problèmes de santé mentale. Diagnostiquée bipolaire, elle raconte à Laurent Bouzereau sans tabous son combat contre la maladie, les difficultés et le soulagement des traitements. Derrière son académisme, Faye dévoile ainsi les fragilités d’une légende, éclairant sur son travail et la place qu’elle s’est construite dans un Hollywood en pleine mutation. Un flegme immortalisé à la perfection par le cliché de Terry O’Neill.

ALICIA ARPAÏA