Sorociné

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GLORIA ! - Margherita Vicario 

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Partition monotone

En dehors de quelques moments d’émotions, le film Gloria ! peine à nous surprendre, et pour cause : une mauvaise gestion de l’équilibre noie les bonnes idées. Dommage pour un film qui raconte une histoire de musique. 

Ces derniers temps, la sororité par la création artistique est à l’honneur au cinéma. L’année dernière, il y avait Les filles vont bien réalisé par Itsaso Arana dans lequel on suivait un groupe de femmes qui répétait une pièce de théâtre dans une maison à la campagne. Aujourd’hui, c’est Gloria ! qui sort en salles. Le premier long-métrage de Margherita Vicario met en scène la création d’un concerto cent pour cent féminin (ou presque), au sein d’un orphelinat et conservatoire religieux à Venise au XVIIIe siècle. 

Sur le papier, c’était l'Italie, c’était sororal, c’était solaire. Malheureusement, le film annoncé n’est pas tout à fait celui qui est proposé, et en même temps, rien ne nous surprend véritablement au-delà de la bande-annonce. 

Cela dit, la plus belle des promesses n'a pas été trahie : celle de la musique. L’équipe du film aurait pu se contenter d’une mise en scène qui privilégie l’image au son, comme la majorité des productions cinématographiques. Pour autant, la réalisatrice – qui portera son film jusqu’au Festival international du film de Berlin – fait le choix d’un mixage son de qualité jusqu’en faire une priorité. Une multitude de sonorités sont alors décomposées et nous font parvenir chaque détail avec intensité. Des craquements de planches de bois à la simple caresse d’une touche de piano – nous voilà presque doué·e d’une oreille absolue. Le film s’empare ainsi pleinement du médium cinématographique en ce qu’il nous fait ressentir ce que cela fait que d’aimer jouer de la musique par l’utilisation du son lui-même.

Cependant, cette richesse n’est pas suffisante pour oublier le manque de finesse dont souffre parfois le film, à commencer par l’idée de sororité. En 2024, nous sommes en mesure d’espérer le dépassement d’une sororité superficielle, et il n’est donc plus suffisant de filmer avec insistance les regards bienveillants des comédiennes entre elles pour faire la démonstration d’une sororité. Autrement dit, c’est seulement en mettant en scène l’agentivité des personnages féminins au service d’autres femmes et à travers des situations concrètes qu’une sororité intéressante peut naître.  

Enfin, le manque d’équilibre du film se poursuit dans sa forme – le long-métrage aurait pu s’avorter d’une vingtaine de minutes – comme sur le fond. Gloria ! semble en effet coincé dans un registre dramatique qui manque parfois d’élégance, sans pour autant oser pousser la folie à travers une théâtralisation encore plus appuyée qui aurait pu être intéressante. À l’exception du concerto final, dont l’excès est réjouissant. Ça chante, ça danse, les hommes problématiques meurent (rien que ça), et les musiciennes insoumises se sentent vivantes. Un film intéressant donc, mais déséquilibré ; tantôt créatif, tantôt décevant. 

VICTORIA FABY