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Gossip girl, nouvelle génération : une occasion manquée

Annulé après deux saisons, le reboot de la série culte ne s’est pas montré à la hauteur de sa prédécesseure.

Un reboot qui n’a pas fonctionné ? Surprenant, me direz-vous ! Hollywood, en pleine nostalgic era, émiette nos madeleines de Proust jusqu’à les mettre en bouillie. Mais dans le remake/reboot/prequel/sequel multiverse, l’idée d’un nouveau Gossip Girl n’était pas la plus inintéressante. Elle aurait même pu être pertinente. Accent sur le conditionnel.

En 2007, Gossip Girl premier du nom a dynamité les codes de la teen série américaine. Exit la morale de fin d’épisode et la sexualité montrée avec des pincettes, les ados de l’Upper East Side sont amoraux, corruptibles et esclaves de leurs hormones. Outre cette dimension sulfureuse, la série a saisi le zeitgeist des années 2000 autant qu’elle l’a influencé, initiant des fashion trends comme l’avait fait Sex & The City à son époque. C’est aussi une des premières séries pour ados qui met en exergue leur utilisation des réseaux sociaux et tout ce qu’elle a d’insidieux, l’anonymat en chef de file.

Entre le début de la série et son reboot, quinze ans se sont écoulés. Et en quinze ans, il s’est passé beaucoup de choses. Avancées sociales dans le domaine du féminisme, recul de l’idéalisation des élites crise financière après crise financière, et usage banalisé des réseaux sociaux. Du côté des teen séries à succès, l’ambiance a bien changé aussi : les lycéens d’Elite n’ont rien à envier à Chuck Bass en termes de débauche, et Blair Warldorf ne tiendrait pas deux jours dans le crew de Sex Education sans se faire cancel à cause de son classisme notoire. Ça, les créateurs du nouveau Gossip Girl l’ont bien compris, et face à ces défauts du matériau d’origine, ils veulent faire amende honorable… Et réussissent à aggraver le problème.

Vous pensez qu’il n’y a rien de pire que des gosses de riches pourris gâtés et manipulateurs ? Imaginez ces mêmes gosses de riche performer des mentalités progressistes pour pallier leur culpabilité et gagner en prestige social. Gossip girl, nouvelle génération ne semble même pas se rendre compte de l’hypocrisie de ses propres personnages, effroyablement creux, coincés et dénués de charisme.

Ce qui rendait son modèle galvanisant, c’était le plaisir malsain de voir des personnages tous plus affreux les uns que les autres se déchirer et se trahir en permanence - le premier tome de la série littéraire ne s’appelle-t-il pas Ça fait tellement de bien de dire du mal ? -, et le frisson du mystère autour de l’identité de la blogueuse à scandale. Ici, le mystère est désamorcé dès le début, maladroitement.

Enfin, s’il y avait bien un sujet sur lequel le nouveau GG était attendu au tournant, c’était sa représentation des nouvelles technologies. Et si elle n’est pas particulièrement mauvaise, elle est trop timide pour marquer les esprits. Sont brièvement abordés le monde des influenceurs et celui d’Instagram. Des comptes pour les personnages ont même été créés, ce qui, à nouveau, aurait pu être intéressant si le dispositif avait été réellement utilisé, à la manière de la série norvégienne Skam et ses déclinaisons européennes. Clap de fin pour l’upper eastside woke, donc, mais ce n’est pas plus mal.