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IRIS ET LES HOMMES - Caroline Vignal

Copyright Julien Panié – CHAPKA FILMS – LA FILMERIE – FRANCE 3 CINEMA

Refroidissant

Après Simple comme Sylvain et Le Syndrome des amours passées, deux comédies sorties en 2023 qui traitent, elles aussi, du désir et du couple, Caroline Vignal signe à son tour une comédie romantique sur le désir féminin avec Laure Calamy. Moins réussi, ce film a pour principale faiblesse d’avoir trop voulu démontrer, au risque d’insister. Si on ne peut reprocher à la réalisatrice d’avoir choisi un sujet engagé – le désir des femmes à tout âge et à tout prix – c’est la qualité de la mise en scène qui fait les frais de ce tour de force politique.

C’est pourtant une comédie qu’on avait envie d’aimer. Iris, mère de famille, en union conjugale, s’aventure sur des sites de rencontre jusqu’à commettre l’adultère. Si le sujet est intéressant tant ses stéréotypes sont tenaces et restent à déconstruire, la prééminence de l’idée sur sa mise en scène perpétue une forme de marginalisation du désir féminin. Le désir des femmes dérange-t-il toujours au point que son sujet, à lui seul, ait la force de faire tout un film ? 

Ce déséquilibre trouve son apothéose dans le cynisme qui clôt le long métrage. Comme un cheveu sur la soupe, on apprend que le mari d’Iris est sur la même application, et c'est finalement ce qui justifie l’inexistence du personnage interprété par Vincent Elbaz. Non seulement la construction fragile des personnages secondaires sonne comme un aveu de faiblesse, mais la réalisatrice recrée, malgré elle, la dynamique du mari taiseux et de la femme investie, pourtant dénoncée dans le livre que lit Iris, Réinventer l’amour

La lourdeur du film n’épargne pas même la manière de filmer les corps épris de désir. En empruntant une certaine lenteur, la caméra tente d'imposer de la tendresse, sans jamais parvenir à retranscrire la noblesse de l’expérience qui est celle de désirer. Caroline Vignal ira jusqu'à forcer les traits attachants du personnage de Laure Calamy à coup de gros plans sur son visage, comme pour ressusciter une recette qui avait fonctionné dans Antoinette dans les Cévennes, alors que la profondeur et l’intelligence certaine de l’actrice auraient su nous trouver, nous réjouir, et nous surprendre. 

Finalement, une antinomie apparaît entre la mise en scène qui ne cesse de montrer et démontrer, et l’essence de son sujet, le désir, qui se caractérise par ce qui se joue du manque. La réalisatrice aurait alors eu intérêt à se saisir du sens de l’équilibre nécessaire à la réussite du genre dont elle s’empare, la comédie, pour parvenir à son objectif de démocratisation du désir féminin, avec justesse et subtilité.

VICTORIA FABY