JUSQU’AU BOUT DU MONDE - Viggo Mortensen
À l’ouest, beaucoup de Viggo
Viggo Mortensen passe derrière la caméra pour la seconde fois et signe un western classique, très beau mais parfois un peu vain, qui a le mérite de magnifier l’actrice Vicky Krieps.
Oui, il y aura des portes de saloon qui pivotent, des coups de pistolet qui partent, des chevaux sur lesquels on bondit et de la poussière. Oui, Jusqu’au bout du monde, deuxième long-métrage de Viggo Mortensen (après Falling, sorti en 2021), reprend tous les codes des westerns classiques, cette imagerie qui fait partie intégrante de l’histoire du cinéma et de celle de l’Amérique. Seulement voilà, dès sa scène introductive, celui qui est aussi acteur, poète, scénariste, producteur, musicien, photographe et peintre (on espère n’avoir rien oublié), se permet un pas de côté. L’image d’un chevalier qui s’avance dans une forêt, semblant s’être trompé d’époque. Nous sommes prévenus. Viggo Mortensen ne se coulera pas tout à fait, pas jusqu’au bout, dans le moule du genre.
Ses personnages ne sont d’ailleurs pas américains. Lui incarne Holger Olsen, Danois exilé, traumatisé par la guerre dans son pays, devenu charpentier. Bientôt, il rencontre Vivienne Le Coudy, canadienne, aussi rebelle et solaire qu’il est taiseux et renfermé. Ce couple bizarrement assorti au premier abord, uni par la quête de calme et de paix, s’installe dans une bicoque au milieu de rien, près d’une petite ville du Nevada. Lorsque Holger s’engage dans la guerre de Sécession, la laissant seule, Vivienne devra survivre dans un monde d’hommes violents.
Voici donc un autre pas de côté du réalisateur américano-danois : on ne suivra pas l’homme dans ses aventures militaires mais bien la femme dans son quotidien. Jusqu’au bout du monde a le mérite de rappeler que, si elles ont eu tendance à disparaître au cinéma, les femmes étaient bel et bien là pendant cette fameuse conquête de l’Ouest. Et que ce monde tout entier façonné par la violence ne leur a pas fait de cadeau. Sous le chapeau de Vivienne, l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps est, comme toujours, extraordinaire. Elle seule suffit à sauver quelques scènes aux dialogues un peu maladroits et, surtout, épaissir quelque peu des personnages esquissés.
Car le western de Viggo Mortensen manque de chair et d’enjeux. Entre des seconds rôles caricaturaux et des protagonistes dont on ne comprendra jamais vraiment les motivations (pourquoi donc Holger part-il à la guerre ?), on peine parfois à saisir où le réalisateur veut nous emmener, ni même s’il a réellement une histoire à raconter en deux heures. Cet hommage au western américain aurait sûrement mérité des pas de côté plus francs encore. Loin de le dénaturer, ils auraient porté le genre vers sa modernisation.
MARGAUX BARALON