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L’ÉTRANGE FESTIVAL 2022 : Histoires d’enfermements

La Fuite du Capitaine Volkonogov, réalisé par Natalia Merkulova et Alekseï Chupov (Russie, 2021)

La 28ème édition de L’Etrange Festival continue jusqu’au dimanche 18 septembre 2022 et on assiste à l’étrange redondance du thème de l’enfermement. Est-ce que parce que nous avons traversé de longs mois sans quitter notre chez nous ? Peut-être que oui, peut-être que non, puisque tous les films n’ont même pas été écrit pendant ou après le covid. En tout cas, cette curieuse coïncidence n’altère en rien les originalités entre les oeuvres présentées.

Dictatures

La Fuite du Capitaine Volkonogov, réalisé par Natalia Merkulova, Alekseï Chupov, nous emmène dans l’URSS à la fin des années 1930. Les temps sont troubles et la méfiance règne, les « ennemis du peuple » sont torturés pour avouer leurs torts. Un fidèle du Parti, pris de culpabilité à l’idée d’avoir probablement fait souffrir et condamné des innocents, prend la fuite. Désormais en danger de mort, il souhaite retrouver les familles de ses victimes pour leur demander pardon, avant qu’il ne soit trop tard. La Fuite du Capitaine Volkonogov est d’abord formellement fascinant : outre une photographie de qualité, il montre au plus près les rituels, uniformes, de l’époque. Les corps sont musclés, impressionnants, rien ne semble pouvoir nuire à de telles machines de guerre. D’ailleurs le mot machine est à retenir puisque le mouvement constant du personnage et sa trajectoire évoquent le mouvement infernal d’un mécanisme lourd, trop puissant pour un seul homme. L’immersion dans l’horreur de la dictature est intense. La quête de la rédemption met, elle, un peu plus de temps pour arriver, mais laisse place à de très belles scènes. L’équilibre à conserver pour ne pas basculer dans le ridicule était délicat mais le film s’en sort admirablement bien. En bref : c’est excellent.

Après l’enfermement dans une dictature, L’Étrange Festival bascule dans l’intérieur d’un foyer noir et rose, froid comme son marbre. Eduardo Casanova avait déjà été remarqué pour son court-métrage Eat My Shit (disponible en accès libre sur Vimeo – à ne pas regarder en mangeant) et son premier long, Pieles, produit par Carolina Bang et Alex De La Igelisia. Dans La Piedad, Mateo et Libertad, fils et mère, vivent ensemble. Mateo ne connait et n’aime que deux choses : le rose et Libertad. Mais cette dernière est obsédée par l’idée de garder son fils avec elle jusqu’à en faire un objet et entretenir une relation quasiment incestueuse. Pendant ce temps, en Corée du nord, le gouvernement trouve des ossements de licorne et empoisonne les gens. Le ton absurde de ce parallèle fait sourire la première fois mais lasse très vite, c’est assez similaire pour l’arc entre Mateo et Libertad. Dérangeant au premier abord, intriguant par son esthétique biblico-barbie, il finit par devenir assez laborieux. Sous cette couche, le sujet reste sous-traité, la relation malsaine n’est qu’effleurée, les mécanismes psychologiques sont de comptoir. La Piedad souffre probablement du symptôme du court-métrage étiré : avec une heure de moins, il aurait peut-être été bien meilleur.