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LA VIE DE MA MÈRE - Julien Carpentier

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Ma mère en cavale

Julien Carpentier signe un premier long métrage maladroit sur la maladie mentale dans une relation mère-fils. 

L’idée de départ était pourtant plutôt bonne. La Vie de ma mère se déroule sur 36 heures de la vie de Pierre (William Lebghil), un fleuriste un peu fané. Judith (Agnès Jaoui), sa mère bipolaire en phase maniaque, s’est évadée de la maison de repos où elle réside et il tâche de la ramener. Au cours de ce road trip improvisé, il met de côté sa boutique et sa vie amoureuse bourgeonnante pour une journée en cavale pleine d’apprentissages. 

La Vie de ma mère aurait pu être un road movie drôle et touchant, mais la réalisation laisse à désirer. Des péripéties poussives et à peine croyables s’enchaînent, parsemées de faux problèmes qui n’ajoutent ni effet comique, ni profondeur au récit. Les personnages sonnent faux et creux. Alors que le format long métrage octroie assez de minutes pour développer deux personnages complexes et attachants, La Vie de ma mère manque le tir, trop concentré à imaginer des scènes comiques qui elles aussi tombent à l’eau, faute de bons dialogues — alors que Lebghil et Jaoui excellent dans le genre. Enfin, le montage manque d’inventivité, avec des inserts si littéraux qu’ils en deviennent des pléonasmes : une girouette pour indiquer l’instabilité après une scène qui montre que la mère est instable, puis une fleur fanée pour évoquer la tristesse après une scène qui montre que la mère est triste.

Dans le cinéma français, rares sont les exemples de personnages féminins atteints de troubles de santé mentale. La Vie de ma mère est une belle tentative de remédier à ce manque. La protagoniste bipolaire est un gentil cliché de mère juive fantasque, habillée en couleurs criardes, portant beaucoup de bijoux, fan de couscous et de son fils. Elle apprend à ce dernier à vivre pour de vrai car sa maladie la rend désinhibée et finalement plus humaine, plus libre… du moins est-ce ce que le film tente de raconter, sans être vraiment convaincant. 

Même si il est plaisant de voir à l’écran un personnage de femme de plus de cinquante ans débraillée, décoiffée, dragueuse, somme toute imparfaite, Judith ne dépasse pas ces adjectifs et nous ne découvrons jamais vraiment qui elle est. Les qualités de comédienne de Jaoui ne suffisent pas à pallier le manque d’écriture de son personnage. Judith reste cantonnée à un cliché de femme instable et perdue, enfantine et dénuée d’agentivité. Même sa passion pour les fleurs, censée faire le lien avec son fils, reste accessoire au récit, comme ajoutée a posteriori, et ne parvient pas à émouvoir. Malgré tous les efforts du film, les personnages ne réussissent pas à prendre vie, alors que l’humanité est un point central de l’histoire qu’il raconte. 

Dommage, car La Vie de ma mère avait les idées qu’il fallait pour être réussi, mais aurait certainement fait un meilleur court métrage.

Noémie Attia