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Cannes 2024 : LES REINES DU DRAME - Alexis Langlois

L’amour est une fête

À la Semaine de la critique, Alexis Langlois présente un premier film fou et hors normes, retraçant une histoire d’amour lesbienne confrontée à l’industrie musicale et à ses démons.

Si cette édition du Festival de Cannes était placée sous le signe de l’outrance, Les Reines du drame en serait sans aucun doute le drapeau. Premier long-métrage d’Alexis Langlois, dont on vous parlait ici à propos du très remarqué Les Démons de Dorothy qui posait les bases d’une fièvre queer propre à ce·tte cinéaste, Les Reines du drame se savoure comme un bonbon acidulé, véritable hommage à l’amour queer et à l’esthétique ultra-kitsch des années 2000.

« C’est important pour moi de montrer une grande passion queer romanesque, tragique et épique ; comme pour dire que les personnages queer avaient, eux aussi, droit à de grandes histoires ». C’est sur cette ambition, déclamée sur la scène du palais Miramar à Cannes, qu’Alexis Langlois va dérouler un film hors normes et jouissif. Sur un demi-siècle, il suit l’histoire d’amour lesbienne de deux stars fictives de la pop, Mimi Madamour et Billie Kohler, qui s’aiment et se déchirent au sein d’une industrie musicale véreuse. 

Le pitch est d’autant plus étonnant pour un premier film, au scénario maîtrisé, à l’imagerie ultra-chargée et assumée à fond les ballons, aux antipodes des premiers films auxquels on reproche souvent leur timidité et leur écriture aux articulations visibles. Car le film d’Alexis Langlois détonne par son audace scénaristique et visuelle, en poussant jusqu’au bout sa mise en scène ultra-kitsch, son goût pour les décors en studio, et son jeu de piste de références aux divas des années 2000, de Lorie à Mylène Farmer en passant par la chute de Britney Spears, pour le plus grand plaisir des millenials.

Mais au sein d’une édition cannoise marquée par la souffrance des femmes et des personnes queer, Les Reines du drame se distingue surtout par sa joie, qui en devient militante. En revenant sur la violence d’une industrie musicale qui contraint le corps et la sexualité de ses artistes, Alexis Langlois loue la liberté d’être soi et le besoin d’être en marge, en concluant son film par une célébration onirique des amours marginales. Mais aussi en réunissant pour son film une équipe entièrement queer, devant comme derrière la caméra.


MARIANA AGIER