Sorociné

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MADAME WEB - S.J. Clarkson

Copyright 2023 CTMG, Inc.

Les Crimes du Futur

Sony Pictures persiste avec un nouveau film de super-héros arachnoïde mais continue de se crasher, la faute à un storytelling illisible et à une réalisation datée ; le tout dans un packaging d’empouvoirement féminin tiède. Une sortie de route avec un air de déjà (trop) vu.

Alors que le genre super-héroïque continue de saturer nos écrans et que le public a enfin perdu patience face aux innombrables propositions cinématographiques et sérielles du genre, Sony Pictures nous présente Madame Web, un projet qui ne semble intéresser ni sa réalisatrice S.J. Clarkson, ni ses comédien.nes, et encore moins Sony, tant tout ce petit monde est au service minimum et a déjà condamné le film avant sa sortie en salle. Un accident de production comme on pensait ne plus en voir.

Dans la famille des personnes araignées, je demande la voyante. L’action de Madame Web se déroule en 2003 à New York, où l’on suit les pérégrinations de Cassandra Webb, ambulancière trentenaire solitaire et tête brûlée. Victime d’une expérience de mort imminente lors d’une mission de sauvetage, elle se découvre des pouvoirs de prescience. Lors d’une de ses visions, elle aperçoit Ezekiel Sims, le grand méchant du film - incarné par Tahar Rahim se débattant comme il peut avec une partition catastrophique - qui cherche à assassiner un trio d’adolescentes qui le tueront dans le futur. Elle décide malgré elle de sortir de sa zone de confort et de venir en aide à ces jeunes femmes, et finit par embrasser ses dons arachnoïdiens pour devenir Madame Web, sorte de mélange grotesque entre Madame Irma et le Professeur X avec option spandex rouge criard.

Copyright 2023 CTMG, Inc.

Partant de ce pitch très classique (voire pas très original) pour un genre qui, depuis quelques années, tente d’explorer tous les recoins du multivers, le film déroule un programme sans saveur et surtout sans idée. Ce n’est pas parce qu’il se passe en 2003 qu’on était littéralement obligé de le réaliser comme un film sorti en 2003, dont le générique de fin sent bon la nostalgie de La Trilogie du Samedi. Les deux premiers opus de l’univers Spiderman réalisé par Sam Raimi étaient respectivement sorti en 2002 et 2004 et donnent un méchant coup de vieux à cette proposition ringarde et en manque d’inventivité. Doté d’un budget de 80 millions de dollars (faible pour le genre mais quand même conséquent), le long-métrage est produit et réalisé comme un épisode d’une production de The CW (chaîne américaine pour adolescents) entre la série Birds of Prey (2002-2003) et Arrow (2012-2020). Rien ne semble pouvoir sauver ce film qui collectionne les mauvais choix de production, très confus au niveau narratif et très mal pensé. La réalisation est d’une paresse criante et la direction artistique (si on ose l’appeler ainsi) en roue libre, surtout lors de séquences d’actions aux effets spéciaux immondes. On reste interdit face à cet accident industriel et cette énième origin story bancale teintée d’un empouvoirement féminin douteux, poussif et inintéressant. À vouloir surfer sur une esthétique et une aura Y2K  (l’esthétique héritée de la tendance autour du bug de l’an 2000) pour attirer un public nostalgique ou très jeune, Madame Web devient un anachronisme gênant dans la proposition du Spider Verse où tout déborde du cadre et où la créativité semble inépuisable.


LISA DURAND