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MEN - Alex Garland

Tous les mêmes

« Le mâle engendre le mal » : le slogan de l’affiche française du film l’annonçait déjà, la subtilité ne serait pas au rendez-vous ; et ce n’est pas qu’une affaire de marketing cinématographique. Car Men, présenté comme le film choc de la Quinzaine des Réalisateurs, descente horrifique aux enfers d’une femme hantée par le suicide de son mari, se révèle particulièrement décevant. La faute à une absence de mystère nécessaire pour rythmer son récit – et à discours pataud porté par une symbolique lourdingue, qui devient ridicule à force de trop se prendre au sérieux.

Après Ex Machina et Annihilation, deux long-métrages de science-fiction relativement appréciés (le premier davantage que le deuxième) pour leur esthétique léchée de l’étrange, le réalisateur britannique Alex Garland fait un retour attendu et change de registre avec un projet de moindre ampleur, pour aller vers le film d’horreur psychologique. Avec une structure rappelant le Invisible Man de Leigh Whannell, qui s’attaquait déjà à la masculinité toxique via le registre horrifique, Men s’annonce comme un récit cauchemardesque où une femme sera pourchassée par divers hommes au même visage, reflétant les différentes formes de violences que la société patriarcale peut faire subir aux femmes. Et… c’est à peu près tout. En faisant comprendre dès le début la portée métaphorique de son récit (les hommes qui la pourchassent sont des projections mentales exacerbées de la culpabilité de l’héroïne), Alex Garland désamorce totalement la portée horrifique de son histoire, où rien n’effraie puisque rien n’est « réel », et refuse d’exploiter la portée psychologique de son récit. Faute de mystère, la tension laisse place à un vague ennui, que les quelques jumpscares ou la photographie toujours léchée – assez réussie dans ses scènes d’extérieur aux tons verts saturés – n’arrivent pas à relever.

Après l’ennui, difficile pourtant de ne pas être agacé.e à l’arrivée du générique de fin. A force de se prendre au sérieux dans sa symbolique féministe, Alex Garland finit par rendre son récit ridicule de grossièreté. Le discours, minime, se réduit à énumérer différentes formes de toxicité entre les relations hommes-femmes : violences conjugales, chantage au suicide, oppression religieuse, culture du viol, abandon des forces de police… Chaque oppression prend la forme d’un personnage différent toujours incarné par un Rory Kinnear polymorphe et grimaçant, tour à tour propriétaire, pasteur, policier, petit garçon, jusqu’au premier homme (qu’il soit d’inspiration religieuse ou païenne), qui vont s’alterner pour pourchasser la veuve tourmentée. Passé cet argumentaire, le film tourne en rond dans sa tentative d’installer une atmosphère horrifique de home invasion qui ne décolle jamais, et trouve son apogée dans une dernière séquence « choc » de body horror mystique, lourde d’un symbolisme fourre-tout déjà épuisé. Seule l’actrice Jessie Buckley, enfin dans un premier rôle, se démarque du lot ; et on espère la recroiser rapidement dans des productions qui la mettront plus à l’honneur.



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