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NELLY & NADINE - Magnus Gertten

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Libre de s’aimer

Avec Nelly & Nadine, le documentariste suédois Magnus Gertten nous embarque à travers des archives au cœur d’une histoire d’amour extraordinaire, entre Nadine Huong et Nelly Mousset-Vos, née dans l’enfer du camp de concentration de Ravensbrück. 

Ce n’est pas la première fois que le Suédois Magnus Gertten réalise un documentaire à partir des rushs filmés en 1945 dans le port de Malmö où débarquent des milliers de survivants des camps de concentration. Toutes et tous rescapé·es de l’enfer nazi. De ces visages Gertten enquête et reconstitue des histoires de vies. Ici, c’est sur celui de Nadine Huong que le cinéaste s’attarde. Elle, fille d’un diplomate chinois, ne sourit pas. Nadine espère retrouver Nelly, la chanteuse lyrique belge dont elle est tombée amoureuse sur un air de Madame Butterfly dans le camp de concentration de Ravensbrück en décembre 1944.

Après Harbour of Hope (2011) et Every Face Has a Name (2015), Gertten va raconter l’histoire de ces deux femmes dans un documentaire tout en pudeur, un peu scolaire parfois mais dont le sujet puissant et unique emporte tout. Il va être aidé par la petite-fille de Nelly, Sylvie, qui va dès lors ouvrir les archives personnelles de sa grand-mère comme autant de documents qui témoignent de cet amour lesbien à travers les décennies : journaux intimes narrés en voix off, photographies, vidéos…

Sylvie savait simplement que sa grand-mère vivait avec une femme, sans comprendre véritablement le lien amoureux les unissant puisque la famille n’en parlait pas. Apparaît alors tout un pan de l’histoire de ces résistantes qui se sont autorisées à s’aimer librement. L’enquête progresse avec Sylvie, complice des spectateur·ices, et l’on y découvre notamment le passé de Nadine dans l’entre-deux-guerres, laquelle était la secrétaire personnelle et l’amante de l’activiste lesbienne Natalie Clifford Barney. Les vidéos retrouvées montrent l’amour fou les unissant pendant leurs années passées ensemble à Caracas au Venezuela jusqu’au décès de Nadine en 1972.

De l’horreur au bonheur, la traversée romantique de Nelly et Nadine se dessine soixante-dix ans après grâce au cinéaste qui l’accompagne de son regard extérieur et se fait d’autant plus romanesque qu’elle échappe à toute reconstitution fictionnelle maladroite. Un hommage puissant aux résistantes, aux femmes qui luttent, aux femmes qui s’aiment !

DIANE LESTAGE