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SANS JAMAIS NOUS CONNAÎTRE - Andrew Haigh

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Vivons cachés 

Le réalisateur britannique Andrew Haigh réunit Andrew Scott et Paul Mescal dans une romance sobrement fantastique sur le deuil et la solitude de la marginalité.

Pour inaugurer l’ouverture de sa 26e édition, le Festival Chéries-Chéris a choisi une romance gay réunissant deux têtes d’affiche bankables du cinéma indépendant britannique : Andrew Scott, le sacro-saint hot priest de la série Fleabag, et Paul Mescal, découvert en jeune homme sensible dans Normal People et Aftersun. Le réalisateur britannique Andrew Haigh, ouvertement homosexuel et dont les films Weekend ou 45 Years avaient été remarqués en festivals, réunit ces deux acteurs dans Sans jamais nous connaître (All of us strangers en version originale), une romance intimiste où les deux protagonistes s’épient secrètement à travers les fenêtres d’un étrange immeuble dont ils sont les seuls habitants – avant de se rencontrer.

Adapté du roman japonais Strangers de Taichi Yamada, Sans jamais nous connaître a des airs murakamiens tant il dépeint les solitudes urbaines et leur étrangeté, avec une tonalité de réalisme fantastique qui émerge peu à peu sans jamais exploser à l’écran. Mêlant le traumatisme du deuil et la solitude engrangée par le sentiment d’être à la marge, le film fait l’incarnation de cette solitude dans les personnages d’Andrew Scott et Paul Mescal, dont les regards imprégnés de tristesse et d’affection peuvent se passer de mots. Le tout dans une palette crépusculaire, où l’orange cramoisi du soleil couchant annonce en permanence la nuit tombante.

En arrière-plan de cette romance, il y a la reconstitution mentale du passé, la présence des fantômes qui nous hantent, façon Eternal Daughter de Joanna Hogg. Ici, Andrew Haigh manie habilement cette tonalité fantastique où le présent du personnage principal se juxtapose au passé de ses parents, et y associe une part comique bienvenue – un coming out désuet, une nuit dans le lit des parents, dont le burlesque rappelle le ton du doux Camille redouble de Noémie Lvovsky. Un petit cocon de tristesse douce et de poésie fantastique, pour raconter l’isolement qui suit le coming out.

MARIANA AGIER