THE MARVELS - Nia DaCosta
Le pouvoir des trois
Nia DaCosta intègre l'univers Marvel et propose un film de divertissement tendre, sororal et résolument girly.
Trente-troisième proposition du Marvel Cinematic Universe ou MCU pour les intimes. Troisième film de la phase cinq de ce même MCU après Ant-Man et la Guêpe : Quantumania (2023) et Les Gardiens de la galaxie Vol.3 (2023). The Marvels est le plus court long-métrage que la galaxie Marvel nous ait proposé depuis sa naissance en 2008 avec Iron Man. En quinze ans, le genre superhéroïque aura connu ses heures de gloire sur nos grands comme sur nos petits écrans, jusqu’à finir par lentement nous lasser. À force de trop tirer sur le spandex, les superhéro·ïnes ne remplissent plus les salles. C’est dans ce contexte peu propice que sort le sympathique The Marvels, réalisé par Nia DaCosta.
The Marvelous Mrs. Marvel
The Marvels, c’est le récit à trois voix de Carol Danvers aka Captain Marvel, Kamala Khan aka Miss Marvel et Monica Rambeau, qui refuse les identités super héroïques. Lors d’une mission spatiale, les pouvoirs de Monica Rambeau s'entremêlent avec ceux de Kamala Khan et de Carol Danvers. Elles devront faire équipe pour déterminer pourquoi elles changent de place à chaque fois qu'elles utilisent leurs pouvoirs respectifs, et aussi accessoirement pour sauver la galaxie et la Terre.
Coincé dans une logique de franchise, The Marvels souffre de n’être qu’un épisode produit au milieu de tant d’autres. De plus, il fait partie des malchanceux opus victimes du mariage cinéma-série entre Marvel Studios et la plateforme Disney+. Il se doit de faire communiquer une héroïne de film de franchise, Carol Danvers, avec deux héroïnes de séries télévisées. Kamala Khan a eu droit à sa propre mini-série pop et teen, Ms. Marvel. Monica Rambeau est passée par la case série avec Wandavision, même si elle était déjà présente enfant dans le film Captain Marvel. Pas facile d’exister dans ce cahier des charges à la direction artistique prédéterminée et aux temporalités à tiroir.
Pourtant, la réalisatrice se sort honorablement de toutes ces contraintes et propose un film léger, divertissant et résolument pop. The Marvels est une incursion assez joueuse dans le mastodonte qu’est le MCU. Si le développement du film et son scénario n’ont rien de neuf, l’exécution est réussie. Nia DaCosta (Candyman, Little Woods) et ses coscénaristes Megan McDonnell (Wandavision) et Elissa Karasik (Loki, Lessons in Chemistry) se délestent du ton girlboss tapageur que proposait l’insupportable Captain Marvel (2019) d’Anna Boden et Ryan Fleck, pour insuffler de la sororité et un sens assumé du girly.
Elles donnent beaucoup d’élan et d’incarnation au point le plus important du film : son trio d’actrices. Brie Larson, Teyonah Parris et Iman Vellani forment une sororie idéale. Inspirées, elles insufflent chacune un petit plus à leurs personnages et communiquent avec beaucoup de cohésion et de naturel. Elles décident rapidement d’unir leurs pouvoirs pour le bien commun et proposent une alternative rafraîchissante aux thématiques de puissance féminine et d’héroïsme. L’union fait la force mais permet aussi de réparer les blessures du passé et de se donner confiance en soi. Ainsi, nos trois héroïnes font de leur maladresse une arme assez bouleversante. Monica et Carol se reconnectent et réparent progressivement l’amour parental qu' elles ont l’une pour l’autre. Kamala, elle, trouve la force de légitimer son statut de superhéroïne adolescente au contact des deux autres femmes et de s’affirmer en tant que jeune femme. Le charisme contagieux d’Iman Vellani et de Teyonah Parris offre même plus d’humanité au jeu de Brie Larson, qui se défait, pour notre plus grand soulagement, de son interprétation monolithique de Captain Marvel héritée du précédent opus.On est ici dans la cohésion et pas dans la compétition. Le film les place sur le chemin de l’altruisme même face à l’antagoniste féminin du film, la tragique et traumatisée Dar-Benn (Zawe Ashton). Elles proposent une alternative à cette femme brisée, souveraine d’un empire meurtri aux ressources naturelles en voie de disparition. On est loin de la grandiloquence épuisante qui peuple tous les recoins du MCU.
Le film ne se départ pas d’un certain humour et d’un certain second degré propre à l’identité Marvel mais va encore plus loin, jusqu’à atteindre une forme de camp narratif et formel. Il plonge sans se moquer dans une séquence de comédie musicale où se mêle space opéra et cinéma Bollywood, et emprunte même à Broadway le tube Memory extrait de la mythique comédie musicale Cats lors d’une séquence de chats mutants sauveurs spatiaux. Il assume totalement cette loufoquerie et lui accole sans ciller des séquences de batailles intersidérales, plus attendues mais assez inventives, avec les changements de pouvoir de nos héroïnes. Nia DaCosta offre une grande touche de sororité, de puissance et de tendresse à sa proposition superhéroïque et donne une définition plus juste et plus collégiale à la devise de Captain Marvel. Plus haut, plus loin, plus vite mais ensemble.
LISA DURAND