Sorociné

View Original

THE SLUMBER PARTY MASSACRE - Amy Holden Jones

Entre filles

The Slumber Party Massacre ressort le 3 octobre en DVD et Blu-Ray : c’est l’occasion de se pencher sur ce slasher réalisé par Amy Holden Jones, produit par Roger Corman.

Lors d’une soirée pyjama, un groupe de jeunes femmes est poursuivi par un tueur en série évadé de prison, mais attention, il n’est guère question de bagarres dans les tripes et le pilou. Les personnages portent des nuisettes, la caméra s’attarde un peu trop sur les poitrines dénudées… Tout est prétexte à satisfaire l’homme lubrique. Pourtant, à l’origine du long-métrage, il y avait une idée de Rita Mae Brown, militante féministe. La genèse de The Slumber Party Massacre est une histoire lunaire qui mêle sexisme et ambition, et dans laquelle il est conseillé de ne pas laisser traîner le script d’une parodie, au risque de la voir prise au premier degré. Les péripéties sont elles-mêmes un film autour du film et apportent, heureusement, une lecture intéressante au visionnage.

Un cahier des charges sans queue ni tête

C’est pour son travail sur un documentaire que Amy Holden Jones est repérée par Martin Scorsese. Petit à petit, la jeune femme s’intègre dans l’industrie cinématographique et entrevoit, au détour d’une conversation avec Roger Corman, la possibilité de se lancer dans la réalisation d’un long-métrage de fiction. C’est une opportunité rare lorsqu’on est une femme de 27 ans au début des années 1980. Amy Holden Jones choisit un des scripts achetés par la société de production de Corman, réécrit trois scènes et les réalise avec trois francs six sous en guise de bande démo. Le sens de la mise en scène et la détermination de la jeune femme convainquent Roger Corman. Il embauche Amy Holden Jones sur la version longue. Il y a cependant trois problèmes – et de taille : un, le scénario original, écrit dans l’optique d’être une parodie de slasher, est devenu un film « sérieux ». Deux, Amy Holden Jones ne connaît rien au slasher. Trois, Roger Corman a un cahier des charges qui ressemble davantage à un shooting pour Playboy qu’à un film d’horreur. 

Depuis Halloween, en 1978, le genre du slasher est un filon à explorer pour l’industrie du film d’horreur et Rita Mae Brown proposait déjà d’en reprendre les codes pour en faire une comédie aux relents féministes. L’ennui, on le comprend très vite, c’est que la réalisatrice de The Slumber Party Massacre ne sait pas comment utiliser cette profusion de meurtres. L’arme phallique est comprise, le reste pas vraiment. Ainsi, on se retrouve avec un boogeyman façon Terminator (malheureusement, le personnage aurait eu du potentiel dans un autre contexte) filmé comme n’importe quel figurant, et un scénario sans aucune finesse, dont les fils sont si apparents qu’ils deviennent comiques malgré eux. On est davantage dans un nanar que dans un pastiche fin et maîtrisé. Roger Corman, lui, a comme objectif non caché d’attiser un public masculin qui veut se rincer l’œil. Entre Éros et Thanatos, il ne retient qu’Éros et impose une interminable scène de douche dans les vestiaires des filles. Les personnages se dénudent allègrement devant la caméra pour enfiler leurs pyjamas. Une fille s’éclipse pour rejoindre son petit ami : c’est un parfait prétexte pour montrer (encore) un sein en gros plan. 

Les filles sauvent les filles

Pourtant, il subsiste quelque chose d’un esprit féministe. Que ce soit intentionnel ou pas, les personnages féminins passent énormément de temps à échanger sur leur sexualité et leurs envies, sans forcément qu’il satisfasse finalement les personnages masculins. Ces derniers sont d’ailleurs globalement inutiles dans la chasse au tueur. On ne retient guère leurs prénoms, ils sont interchangeables et meurent extrêmement rapidement, à travers des trajectoires agréablement ridicules. C’est même l’occasion d’en faire une scène cette fois pleinement comique, dans laquelle une fille au bord du malaise décide de se requinquer en mangeant de la pizza sur le dos d’un cadavre. 

L’autre élément frappant est la relation entre les final girls. Au début du film, Trish, l’héroïne, se montre admirative de Valerie, nouvelle dans l’équipe de sport. Elle souhaite l’inviter, mais Valerie, sentant qu’elle ne sera pas la bienvenue auprès des amies de Trish, décline. Une fois le soir venu, l’adolescente déprime chez elle et cache sa frustration et sa solitude à sa petite sœur. The Slumber Party Massacre insiste pleinement et agréablement sur une mélancolie féminine finalement peu aperçue au cinéma, surtout en 1982. Par de brefs regards et quelques phrases, The Slumber Party Massacre sous-entend légèrement une attirance entre Trish et Valerie. C’est d’ailleurs une alliance exclusivement féminine qui permet de venir à bout du tueur et sa perceuse qui déchire le ventre des adolescentes.

Et les garçons, qui comme les spectateurs, satisfaisaient leurs pulsions scopiques en espionnant les filles ? Ils sont tous morts sans grande dignité, il y a longtemps.

MANON FRANKEN