TITINA - Kajsa Næss
Le vent de l’aventure
En 1926, l’ingénieur italien Umberto Nobile et l’explorateur norvégien Roald Amundsen effectuent un voyage historique au pôle Nord à bord d’un dirigeable qui les mènera jusqu’en Alaska. Le film Titina, dont la sortie DVD est prévue pour le 20 juin 2023, suit cette aventure, issue d’une histoire vraie, selon le point de vue du petit chien de Nobile.
Doté d’une animation plutôt modeste et un peu trop classique, Titina prend place dans une Italie menacée par la montée du fascisme. Un petit homme arrogant, égocentrique, énervé, nommé Mussolini est un personnage burlesque qui surgit, tel un héros de cartoon, pour vanter ses propres mérites, accompagné d’une parade guignolesque. Les apparitions de ce Mussolini dont les enfants ne comprendront certainement pas le fond représentent assez bien la douceur et l’insouciance dont fait preuve le film tout le long. Pendant que le petit dictateur ridicule vocifère en arrière-plan, Nobile, qui vient d’adopter une petite chienne trouvée dans la rue, est contacté par Amundsen. L’explorateur un peu frimeur souhaite commander un dirigeable au modeste ingénieur déjà bien réputé, afin de rejoindre le pôle Nord. Sitôt dit, sitôt fait : les deux hommes s’entendent et s’envolent très rapidement vers leur destination, accompagnés par tout un équipage mais aussi le fox-terrier dodu et placide, Titina.
Alors que certaines rivalités commencent à naître entre Nobile et Amundsen, Titina, innocente, profite de son voyage. En abordant la petite chienne comme mascotte, le film s’enrobe d’une douceur constante ; qu’importe les débats entre les humains et les conflits sur les drapeaux, le dirigeable est un chouette terrain de jeu et le pôle Nord un endroit extraordinaire.
Le dispositif scénaristique – tout le film est un flash-back – s’inscrit encore dans cet esprit cotonneux. Nobile, maintenant âgé, se remémore ses exploits à côté de Titina, alors que l’espérance de vie d’un fox-terrier se situe pourtant autour de quinze ans. C’est aussi l’occasion d’incorporer, par la présence d’une diapositive, des images d’archives de l’expédition polaire. La relation entre l’adaptation en fiction et l’histoire vraie est un véritable intérêt dans Titina. L’Histoire y est clairement édulcorée, pour correspondre à un public d’enfants, tout comme des envolées oniriques s’affranchissent de toute réalité tangible (l’âge du chien…). C’est par des petits points comiques peu pour les enfants que le film expose des subtilités historiques. Par exemple, Nobile, qui ne se montre guère impressionné par Mussolini, n’a pas reçu le soutien escompté du gouvernement fasciste lorsqu’une de ses expéditions a mal tourné. Des esquisses de situations géopolitiques, souvent amenées par le rire, attestent d’une certaine complexité dans la relation pas toujours agréable entre le dictateur et l’ingénieur.
La placidité constante n’est pas toujours facile : Titina souffre d’une linéarité un peu essoufflée et d’un manque de relief. Le récit est parfois en pilote automatique – mais il est aussi et surtout une ode au regard naïf et à notre perception des souvenirs, des échecs et des réussites.
MANON FRANKEN