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UN ÉTÉ COMME ÇA - Denis Côté

La femme, cette créature (pas) comme les autres

À quoi Denis Côté fait-il réellement référence dans le titre de son film ? À une proposition de cinéma qui existerait là comme ça, sans prétention ni réel objectif ? À juger de l’errance d’Un Eté comme ça sur près de deux heures, cette hypothèse se tient. 

Chronique d’une expérience imaginaire – la vie en communauté de trois jeunes femmes à la sexualité compulsive, tenues de s’abstenir pendant deux mois -, le long-métrage aimerait déconstruire l’image largement fantasmée de la « nymphomanie » tout en payant ses hommages au cinéma érotique cheap porté disparu au Québec depuis quelques années. La contradiction est flagrante, mais pas inintéressante. Hélas, elle n’aboutira jamais à quelque chose de constructif. Très vite, les enjeux du film disparaissent au profit d’une longue et laborieuse contemplation des simagrées de personnages quasi-fantomatiques, aux relents carrément sexistes.

La retraite imaginée par Denis Côté n’est pas de tout repos, aussi bien pour Léonie (Larissa Corriveau), Eugénie (Laure Giappiconi) et Geisha (Aude Mathieu) que pour l’équipe qui les encadrent (constituée de trois professionnels). Sami (Samir Guesmi), tantôt mentor, tantôt éducateur, est jeté en pâture au trio féminin comme un morceau de viande dans une cage de fauves. Fréquemment sollicité, il reste d’un calme olympien face aux provocations des héroïnes - c’est le phare fiable et imperturbable au milieu des tempêtes engendrées par les humeurs des femmes de la retraite ( car finalement, même la psychologue en résidence peine à maîtriser ses émotions). En quoi ces personnages de femmes diffèrent-ils des nymphomanes de l’asile de Shock Corridor (1963, Samuel Fuller) qui encerclent le protagoniste avant de fondre dessus telle une proie ? En faisant de Sami le seul à savoir réguler ses pulsions, Un été comme ça réussit presque à se retourner contre son propre camp. 

Le réalisateur canadien explique s’être inspiré du travail de Carol Groneman sur la nymphomanie. L’argument-phare de l’intellectuelle est que « la nymphomanie est une métaphore, une expression des fantasmes, des peurs et des angoisses associées à la sexualité féminine à travers les âges ». Malheureusement, cette thèse – ainsi que le travail de préparation du réalisateur aux côtés de plusieurs sexologues -  n’est jamais exploitée dans Un été comme ça. À force de ne pas vouloir psychologiser ou sociologiser ses héroïnes, il ne reste à Denis Côté qu’une approche fantasmatique et mystifiante de ses personnages. Telles des sirènes, ses 3 nymphomanes retournent au néant aussi vite qu’elles en sont sorties en disparaissant dans l’eau.