VAIANA 2 - David G. Derrick Jr.
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Océan sans cœur
Suite directe de Vaiana : La légende du bout du monde (2016), ce nouvel opus continue de suivre sa vigoureuse et rusée héroïne polynésienne devenue exploratrice maritime, mais peine à créer de nouvelles étincelles, livrant une aventure statique et dévitalisée dont l’annonce d’un troisième film semble signer l’arrêt cardiaque.
En décembre 2020, le studio Disney annonçait une série tirée de Vaiana : La légende du bout du monde (2016). En 2022, la série était mise en chantier en même temps que le remake live-action du film éponyme. Il fallait attendre février 2024 et la décision du grand patron de Disney, Bob Iger, pour que la série prévue devienne un long-métrage. Si cette cuisine interne peut sembler anecdotique et rébarbative, elle synthétise parfaitement le problème majeur de Vaiana 2 : un travail de boucherie comme seuls les grands studios en ont la recette, faisant de ce sequel un patchwork inerte avec un goût amer d’inachevé malgré l’univers chatoyant dans lequel il nous propose de nous replonger. Vaiana 2 reprend son récit trois ans après les événements du premier film. Notre héroïne sortait d’un film d’apprentissage classique au cours duquel elle avait trouvé sa place au sein de son village tout en sauvant l’océan et son île en restaurant le cœur de la déesse Te Fiti, aidée par le demi-dieu ronchon et vaniteux Maui. C’est en navigatrice au-delà du récif de son île natale de Motonui qu’on retrouve la jeune femme. Bien décidée à explorer les sept mers, elle se lance sans relâche à la recherche d’autres peuples par-delà les limites de son atoll. En trois ans, le village et ses protagonistes ont évolué et Vaiana est devenue une sorte de modèle pour les villageois·es mais aussi pour sa petite sœur, la jeune Simea. Après un appel de l’Océan dans sa première aventure, elle reçoit une vision de ses ancêtres navigateurs, lui enjoignant de retrouver l’île engloutie de Motufetu sous le sortilège du dieu Nal’o. Cette île était le point névralgique de connexion entre tous les peuples insulaires. Vaiana monte un équipage et se lance, valeureuse, dans cette nouvelle expédition, toujours avec l’aide de Maui.
À la dérive
S’il ne réinvente pas le film d’aventure, Vaiana 2 souffre d’une écriture télévisuelle et d’un montage sériel assez tranché. Ainsi, on est désolé face à l’enchaînement de péripéties découpées comme des mini-épisodes où les éléments originaux du film précédent refont surface. Les espiègles Kakamora (peuple de créatures noix de coco), par exemple, sont de nouveau de la partie et rejoignent l’équipage. Une galerie importante mais anecdotique de nouveaux personnages comiques sont introduits. Cet ajout dénote la volonté initiale du studio d’avoir pensé le long-métrage comme un programme jeunesse hebdomadaire avec une péripétie centrale, de nouveaux protagonistes et des ressorts comiques appuyés. Le développement narratif souffre de cet empilement de passages obligés et dévoile quelque chose de plus grave ; le film ne sait pas choisir que raconter, submergé sous toutes ses pistes potentielles. Si notre héroïne sait enfin qui elle est et applique sa bienveillance et sa gaucherie attachante à tout ce qu’elle touche, il n’en reste pas moins qu’au-delà d’une envie d’expansion de son monde et d’une reconnexion bienvenue avec les peuples voisins et/ou frères, Vaiana 2 tourne rapidement en rond. Même l’ajout d’un personnage trouble en la personne de Matangi, sorte de sorcière chauve-souris, ne parvient pas à faire décoller le scénario. Si Mark Mancina et Opetaia Foa’i, les auteurs-compositeurs des chansons du premier film, sont toujours présents, le prolifique Lin-Manuel Miranda (Encanto, Hamilton) a laissé sa place au duo de compositrices Abigail Barlow & Emily Bear (The unofficial Bridgerton Musical). Moins vers d’oreille que les tubes du premier opus (How Far I’ll Go, We Know The Way ou Your Welcome), ces nouvelles chansons manquent d’entrain et de puissance évocatrice. L’animation et la direction artistique sont certes d’une qualité irréprochable, comme souvent chez Disney, mais à l’image de l’éclatant cœur de Te Fiti qui, lui, faisait vibrer tous les contours du récit il y a huit ans, Vaiana 2 semble se noyer au tréfonds des mers. Paradoxal pour un film d’aventure qui, s'il ne cesse de repousser ses limites géographiques, peine à nous faire voyager.
LISA DURAND