Sorociné

View Original

VESPER CHRONICLES - Kristina Buozyte et Bruno Samper

Apocalypse now

A l’heure actuelle, l’été 2022 a fait connaître à l’Hexagone plusieurs incendies dévastateurs, et une série de vagues de chaleur qui ont rendu indéniable aux plus sceptiques l’existence de la crise écologique. Tandis que le terme d’éco-anxiété intègre le langage commun, le cinéma, et particulièrement le genre post-apocalyptique, prend à bras-le-corps notre peur de la catastrophe et l’exorcise à l’écran. Des films aussi variés que La Route, Les Fils de l’homme ou même Nausicaä et la vallée du vent permettent de fantasmer les possibles scénarios, pas toujours pessimistes, du monde qui naîtrait après l’effondrement.

Dans cette veine, Vesper Chronicles, film de science-fiction dramatique, apparaît à première vue comme un ovni de ce genre cinématographique. Portée par la réalisatrice lithuanienne Kristina Buozyte et le réalisateur français Bruno Samper, cette coproduction lithuanienne-belgo-française à petit budget tient tête aux mastodontes hollywoodiens du genre, en misant sur une économie d’effets spéciaux et sur une écriture à la puissante force évocatrice qui prend le temps d’installer son atmosphère. 

Vesper, une adolescente de 13 ans, vit dans un futur où les écosystèmes ont été détruits suite à la diffusion virale d’organismes génétiquement modifiés, et où les plus riches se sont isolés dans des « citadelles ». En compagnie d’un père paralysé, elle tente de survivre à la famine en étudiant des organismes vivants, jusqu’à l’arrivée fracassante d’une mystérieuse femme venue des citadelles. Vesper, brillamment incarnée par la jeune britannique Raffiella Chapman, évolue dans un univers d’où suinte la froideur et la tristesse, au sein de paysages de désolation filmés en décors réels en Lithuanie. On apprécie également la musique de Dan Levy, déjà remarqué dans le film d’animation J’ai perdu mon corps, qui habille d’une belle composition mystérieuse cette atmosphère sombre et humide.

@ Condor Distribution

De cette riche intrigue ressort néanmoins une certaine impression d’un récit trop condensé qui aurait élagué tout surplus contextuel. Vesper Chronicles coche toutes les cases du genre en brassant une quantité de thèmes symboliques : effondrement des écosystèmes, dystopie sociale post-effondrement, mystérieux virus, androïdes intelligents… Autant de pistes lancées que l’on aimerait voir creusées mais qui, faute peut-être de temps ou de budget, sont seulement effleurées sans échapper à quelques poncifs. S’il fallait trouver une démesure à l’ambition de Vesper Chronicles, ce ne serait pas dans ses effets spéciaux ni son atmosphère, tous les deux très efficaces, mais dans une écriture qui reste parfois en surface de son action et de ses personnages. On en retient alors une grande tristesse et un air poisseux (le co-réalisateur Bruno Samper ne se serait pas privé, selon ses producteurs, de demander des quantités de slime pour ses décors visqueux) – et une infaillible lueur d’espoir, qui laisse présager une renaissance prochaine.