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WISH : ASHA ET LA BONNE ÉTOILE - Chris Buck et Fawn Veerasunthorn

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Wish upon a star

Le studio Disney célèbre son centième anniversaire et nous offre un conte à l’ADN hybride. Wish : Asha et la bonne étoile allie le visuel qui a assuré la renommée des classiques du studio au traitement narratif moderne qui fait encore son succès aujourd’hui. Le résultat est un film plutôt charmant mais trop ankylosé par son héritage centenaire.

Coréalisation de Chris Buck (La Reine des neiges) et Fawn Veerasunthorn (Zootopie, Vaiana, Raya et le Dernier Dragon), Wish est un conte médiéval à l’univers féerique de facture classique comme Disney a toujours su les inventer. Il rend d’ailleurs hommage aux premières techniques d’animation 2D qui ont lancé le studio – à l’image de son Blanche-Neige (1937), premier long-métrage d’animation de la maison aux grandes oreilles. Pour ce nouveau film, les animateurs utilisent une technique d’aquarelle avec des lignes ancrées et des zones remplies de peinture. Le fond de l’image est la zone dite d’aquarelle, puis s’ajoute par-dessus le dessin au trait, s’inspirant de la 2D de l’époque mais en 3D. Ce choix visuel et cette direction artistique audacieuse s’avèrent déroutants – l’œil s’habitue progressivement à ce dessin strié. Au scénario, on retrouve Jennifer Lee, coréalisatrice (avec Chris Buck, donc) et scénariste de La Reine des neiges (2013).

Côté narration, Wish s’inscrit dans les productions Disney plus modernes et plus inclusives en suivant l’aventure d’Asha, une héroïne racisée aux cheveux tressés et à la volonté intrépide. Elle est téméraire, courageuse, généreuse et questionne l’ordre établi. L’esprit de rébellion est toujours traité avec beaucoup de douceur chez Disney, lui donnant presque un caractère normatif. Le même soin n’est malheureusement pas apporté à la figure du mal du film, qui manque cruellement de nuances. On retire son humanité à cette figure pourtant passionnante. Née d’un trauma et d’un déracinement, ce mal aurait pu trouver une porte de rédemption dans le royaume de Rosas, mais il ne laissera que l’empreinte d’une figure archétypale.

Grande tradition Disney oblige, le film est un conte musical doté de chansons aux paroles conquérantes et aux mélodies redoutables. La partition rappelle Rebelle (2012), Vaiana (2016) ou La Reine des neiges (2013).On est sur une production aux animaux anthropomorphiques et aux créations mignonnes. Ici, le bouc Valentino et la bonne étoile du titre : Star. Clairement conçu pour son ressort comique, Valentino ajoute une lourdeur farceuse – pas nécessaire – au film, tandis que la pétillante et sonore Star – concentré d’animation tout en rondeur et simplicité – est un ravissement.

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La puissance des rêves

La vieille marotte Disney fonctionne à plein régime. Cent plus tard, il faut toujours croire en ses rêves et en leurs pouvoirs. Chaque personne est au fond une étoile à préserver et célébrer. Il faut conserver son enfant intérieur, mais s’accomplir par soi-même et réaliser ses propres rêves. Les étoiles ont le pouvoir de vaincre le mal avec l'amour, l'amitié et le collectif, pure morale sucrée made in Disney. Le studio s’est même donné avec le personnage de Star, l’étoile, une personnification de son statut de pourvoyeur de rêves et de magie. Star guide Asha au fil de sa quête d’apprentissage comme Disney a guidé des générations de spectateur·ices des rives formatrices de l’enfance vers celles plus houleuses de l’âge adulte.

À force de produire et d’acheter de célèbres franchises à suite, Disney ne peut s’empêcher de se poser en grand créateur de multivers, celui de la magie et du conte de fées originel. Ironique quand on sait que le studio a établi ses plus grands succès sur la réécriture de contes populaires et immémoriaux jusqu’à très récemment avec le succès de La Reine des neiges (2013). Cette politique d’achat de morceaux de culture populaire voudrait peut-être nous faire oublier que Disney a presque infiltré et colonisé notre imaginaire sur plusieurs générations. C’est le point noir du film, qui ne cache pas cet aspect et l’affiche avec une certaine suffisance. Certains parlent de clins d’œil, mais le film a la main trop lourde pour qu’on puisse y croire. On est stupéfait de lassitude de croiser le chemin de Peter Pan, l’ours Petit Jean ou la marraine la bonne fée et sa baguette magique. L’optique de commémoration rentre au chausse-pied dans ce film plutôt charmant et gâche presque le plaisir de ce divertissement inoffensif.En jouant à fond la carte de l’autocélébration, Disney se pose comme seule entité capable de générer de la magie et de conserver les étoiles de notre imaginaire d’enfant et fait preuve d’un manque d’humilité gênant.


LISA DURAND