COMME A LA MAISON - Juin 2023
Fini les sempiternels « Qu’est ce qu’on regarde ce soir ? » et les longues errances sur Netflix ! Chaque mois, on vous propose quelques recommandations de films ou séries disponibles en VOD ou SVOD à travers une thématique féministe, et/ou avec une femme derrière la caméra. Une chose est sûre, il y en aura pour tous les goûts.
Pour juin, on rencontre une belle-mère en dehors des clichés, une espionne est-allemande avide de vengeance et une jeune femme en quête de tendresse. On profite de la rétrospective gratuite Justine Triet de France.tv, des épisodes de L’amour a ses réseaux sur Arte.tv et on découvre, du côté de Tënk, un documentaire poignant sur la condition d’esclave moderne.
LA RECOMMANDATION DE… ALICIA
Jeune & Golri - Créée par Agnès Hurstel, Léa Doménach, Victor Saint Macary
Saisons 1 et 2 - Disponible sur OCS
Synopsis : Jeune stand-upeuse, Prune découvre du jour au lendemain les joies d’être belle-mère quand elle rencontre la fille de son amoureux : Alma, 6 ans. La saison 2, disponible à partir du 8 juin sur OCS, fait un saut temporel de 8 ans. Le temps a passé, Prune s’est séparée du père d’Alma. Leur relation privilégiée survivra-t-elle à la rupture ?
Si vous aviez manqué la première saison de Jeune & Golri, l’arrivée imminente de la saison 2 est l’occasion de vous rattraper ! Comédie rafraîchissante en 8 épisodes de 20 minutes, la série créée par la comédienne Agnès Hurstel et les réalisateurs Léa Domenach et Victor Saint-Macary dépoussière la représentation de la belle-mère. Comment, quand on sort à peine soi-même de l’adolescence, gérer une relation avec un enfant. Quelle place prendre dans la famille recomposée. Agnès Hurstel s’amuse avec les codes pour raconter une véritable histoire d’amour entre son personnage, Prune, et la petite Alma. A cela s’ajoute une plongée réaliste dans le monde du stand-up parisien et ses galères.
Changement de ton cependant dans la deuxième (et dernière) saison. Déjà fini le stand-up, ce qu’on pourra un peu regretter, le personnage principal envisageant un virage plus dramatique à sa carrière, la série se focalisant plus notamment sur la quête de son identité hébraïque. Mais pas de panique, il y a encore du Golri ! Notamment à travers le personnage d’Alma, devenue une adolescente confrontée aux problèmes de son âge - les premiers émois amoureux, le sentiment de ne pas être comprise par les gens qui l’entourent, etc. Une sorte de Beaux Gosses (2009) au féminin, référence d’ailleurs assumée par Hurstel, portée dans le rôle d’Alma par Saül Benchetrit, fille de Samuel Benchetrit et Anna Mouglalis déjà repéré dans l’excellente série de France Télévisions Chair Tendre. Actrice à suivre !
ALICIA ARPAÏA
LA RECOMMANDATION DE… MANON
Victoria - Justine Triet - 2016
Disponible en libre accès jusqu’au 01/07/2023 sur france tv
Synopsis : Victoria Spick, avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle y retrouve son ami Vincent et Sam, un ex-dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime.
Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu'elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria.
A l’occasion de la Palme d’or, décernée à Anatomie d’une chute, France.tv propose de visionner gratuitement, pendant tout le mois de juin, les précédents films de Justine Triet. C’est l’occasion de découvrir les registres auxquels la réalisatrice française s’est essayée, toujours avec brio.
Dans Victoria, Virginie Efira est une avocate au bord de la crise de nerf. Son existence prend un tournant totalement incontrôlé – mais n’est-ce justement pas ce dont elle avait besoin ? Comédie à la fois sociale, réaliste, absurde, burlesque et existentielle, portrait d’une femme ordinaire aux mésaventures extraordinaires, le film est une pépite d’écriture. C’est aussi une des œuvres qui ont participé à l’ascension fulgurante de sa géniale actrice principale (également à l’affiche de Sybil, disponible sur le même site).
MANON FRANKEN
LA RECOMMANDATION DE… LISA
Kleo - Créée par Hanno Hackfort, Richard Kropf, Bob Konrad
Saison 1 - Disponible sur Netflix
Synopsis :1987, l'espionne est-allemande Kleo tue un homme d'affaires à Berlin-Ouest alors qu'elle était en mission avec un commando secret de la Stasi. Peu de temps après, elle est arrêtée par l'organisation sous des prétextes fallacieux, et dénoncée et vilipendée par tous ceux qu'elle connaît - même son propre grand-père. Lorsque le mur de Berlin tombe, après deux ans de prison, Kleo est soudainement libre et avide de vengeance...
Automne 1989. Chute du mur de Berlin. Cette révolution entraîne le réunification progressive entre l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Au milieu de ce chaos, on suit Kleo, fraîchement libérée de prison grâce à cet événement historique. Seulement, elle n’est pas une détenue lambda. Kleo était une espionne d’élite de la Stasi (la police secrète en RDA) avant d’être faussement accusée de trahison pour des raisons pour le moins opaques, suite à une mission pourtant réussie. Pas le temps pour elle de découvrir cette nouvelle Allemagne en mutation ou de se la couler douce. Son plan est simple : la vengeance. À l’instar de la mariée de Kill Bill, Kleo dresse un liste de ceux qui ont fait de sa vie un enfer, les traque et les élimine les uns après les autres.
La série offre huit épisodes survitaminés avec à la carte des rebondissements effrénés, une reconstitution pop (rappelant Deutschland 83), une violence très pulp (tout est créativement cruel) à l’image du Atomic Blonde de Charlize Theron – pour la géographie et la chronologie – et un humour noir vivifiant comme le Killing Eve de Phoebe Waller-Bridge (Fleabag) . La distribution est impeccable mais la vraie découverte se nomme Jella Haase, comédienne allemande élastique et hyperdouée, dotée d’une dextérité d’interprétation impressionnante – comme sa congénère britannique :la fascinante Jodie Comer, la Villanelle de Killing Eve.
LISA DURAND
LA RECOMMANDATION DE… MARIANA
L’amour a ses réseaux - Cécile Rousset et Romain Blanc-Tailleur - 2022
Disponible en libre accès sur Arte.tv
Synopsis : À travers des histoires drôles, décalées, cruelles, "L’Amour a ses Réseaux" raconte les nouveaux modes de séduction, et le bouleversement qui s’opère dans une rencontre désormais orchestrée par algorithmes interposés.
Aux antipodes des discours nostalgiques un brin agaçants sur la disparition du romantisme et la marchandisation de l’amour, la websérie L’amour a ses réseaux, produite et diffusée par Arte, propose un contrepoint léger et néanmoins juste sur les relations à l’ère des applications de rencontre. Adaptée des chroniques Tinder surprise de Renée Greusard, et réalisée par Cécile Rousset et Romain Blanc-Tailleur, L’amour a ses réseaux se décline en épisodes d’animation de 5 minutes, restituant des témoignages drôles, cruels ou touchants d’histoires nées des applications de rencontres. En plus des animations créatives, on apprécie la diversité des profils et des sexualités mises en avant (on y croise notamment une femme de 75 ans racontant sa première expérience sur Meetic, probablement l’épisode le plus touchant de la série), et l’absence de jugement qui donne lieu à une sincérité presque déconcertante. Il y a les déçu.e.s, les ravi.e.s, les habitué.e.s, les novices ; un patchwork divertissant, qui vise juste dans son ton doux-amer pour raconter notre rapport à la solitude.
MARIANA AGIER
LA RECOMMANDATION DE… NOEMIE
A Woman Captured – Bernadett Tuza-Ritter – 2017
Disponible sur Tënk
Synopsis : Être retenu comme esclave en Europe aujourd’hui, cela semble impossible. Pourtant, c’est le cas de millions de personnes. Marish, 52 ans, est retenue captive par une famille depuis 10 ans et est forcée de travailler sans recevoir de rémunération. Elle a oublié ce à quoi ressemble la liberté et a perdu toute volonté de s’enfuir. Tirant courage de la présence de la réalisatrice, elle décide d’échapper à l’oppression insupportable et de recouvrer sa liberté. Ce film raconte l’histoire passionnante d’un être humain qui retrouve sa dignité et sa foi en la vie.
A Woman Captured nous intéresse pour le regard que le film porte sur trois personnages féminins, aux influences radicalement opposées sur la condition d’esclave moderne de Marish. Le dispositif immersif de ce documentaire nous plonge aux côtés de Marish, au sein de la maison où elle est maintenue captive et maltraitée par la maîtresse des lieux, Eta. Sont alors rendus visibles le labeur effréné de Marish, ses émotions et ses élans de vie qui motivent une échappée hors de ces murs. Eta, dont le portrait est dessiné progressivement par le récit de Marish et les images morcelées de Bernadett Tuza-Ritter, est considérée comme un personnage complexe à part entière qui se construit hors-champs.
Chacune à sa place, avec justesse et sans outrepasser les clichés de la victime, du bourreau et de la sauveuse, le film permet de mettre en images la condition de Marish. Elle est représentative d’une forme d’exploitation humaine bien plus large que sa seule histoire, tout en constituant un déclencheur pour « la femme captive ». La réalisatrice elle-même prend part à la narration avec une grande pudeur, en se découvrant en miroir avec Marish, devenant soutien principal dans son évasion.
Dans le cadre d’une programmation de la plateforme Tënk intitulée « filmer l’interdit », A Woman Captured incarne une tranche du cinéma documentaire profondément engagé. Avec ce premier film sorti en 2017, Bernadett Tuza-Ritter s’inscrit à la croisée des rôles d’artistes, lanceur·se·s d’alerte, et activiste. Si l'œuvre surprend par sa capacité immersive en filmant un espace clandestin,elle tire surtout sa force de la relation d’intimité qui se tisse entre la réalisatrice et Marish, en cet espace où même la liberté de penser finit par être étouffée.
NOEMIE DEVOS
LA RECOMMANDATION DE… AURORE
Kajillionaire - Miranda July - 2020
Disponible en VOD sur FilmoTV et autres plateformes.
Synopsis : Old Dolio, 26 ans, est la fille de deux escrocs. Ses parents ne la traitent pas comme leur enfant, mais comme une complice dont ils se servent pour imaginer de nouvelles entourloupes. Comme Old Dolio le dit elle-même, elle ne sait rien de la tendresse. Alors qu’elle tente désespérément de tisser un lien affectif avec sa mère, elle rencontre Melanie, une jeune femme dont le charme et la chaleur détonne et choque Old Dolio. En proie à l’ennui, Mélanie décide d’aider leur famille dans leurs arnaques. Très vite, la jeune femme tombe sous le charme d’Old Dolio et tente de lui offrir ce que ses parents ne peuvent pas.
C’est cet apprentissage de l’affection – opéré non sans accroc – qui est fascinant à regarder. Evan Rachel Wood brosse le portrait d’une jeune femme dont la vulnérabilité désarme le spectateur. Petit à petit, le personnage se laisse aller à des moments de tendresse qui sont capturés avec beaucoup de légèreté et de grâce par la réalisatrice. On assiste à la renaissance du personnage en partie grâce à Mélanie, interprétée par Gina Rodriguez. Déjà connue pour son incarnation de Jane dans la série Jane The Virgin, l’actrice brille par son charisme et sa douceur naturelle.
AURORE MANCIP
