IN THE MIRROR - Festival du film de femmes de Créteil

De l'autre côté du miroir

En mai 2019, la réalisatrice et artiste Laila Pakalniņa avait été mise à l’honneur lors d’une rétrospective au Centre Pompidou, à Paris. Avec un titre aussi évocateur que parlant, « Drôle de réel », la filmographie de la cinéaste fut bien cernée. Il faut dire qu’elle n’a plus grand chose à prouver. À 58 ans, elle est une des réalisatrices indépendantes les plus reconnues de l’Europe notamment depuis 1998 où son film Kurpe (vf : La Chaussure) fut présenté à la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes. Elle revient cinq ans après son dernier long-métrage, Rumba, avec In the Mirror, une réécriture moderne du conte de Blanche-Neige des frères Grimm, largement popularisé par le film des studios Disney.

Miroir, miroir, dis-moi qui est le·la plus superficiel·le ?

Il suffit de se balader sur YouTube pour constater que le monde, ou du moins la plateforme au logo rouge, est devenu un miroir où les égos des uns deviennent le passe-temps des autres. Bras tendus à une perche de caméra, tout le monde se filme, tout le temps et le retour écran devient un miroir. In the Mirror est très clair là-dessus. De par son titre bien sûr, mais aussi parce que dès le départ, son dispositif de mise en scène s’empare de cette manière de filmer : tous les personnages ont le bras tendu vers la caméra, comme si, c’étaient eux qui la portait. Par ailleurs, et paradoxalement, les couleurs de l’image laissent place à un noir & blanc vif qui sublime les plans autant qu’il les uniformise, comme pour souligner le besoin de ressembler à tout le monde. 

C’est dans cette lignée que la réalisatrice creuse l’histoire de Blanche-Neige. Éduquée dans un univers du culte du corps, elle est élevée par son père (joué par Lauris Dzelzitis) et sa belle-mère (sa mère étant décédée peu de temps après sa naissance), accro à la salle de sport. Alors que sa belle-mère (incarnée par Elza Leimane) est reconnue pour ses performances sportives, Blanche-Neige (interprétée par Madeleine Valdberg) gagne en force et son corps, jeune et actif, lui permet de dépasser les capacités de sa marâtre. Vous connaissez l’histoire, cette dernière jalouse l’oblige à fuir dans la forêt. Point de surprise à ce niveau si ce n’est, une nouvelle fois, la modernité inquiétante que la cinéaste met en place. L’intérêt vient alors de sa mise en scène mais aussi, par extension, de la critique amère qui découle d’une société multi-écrans où le célèbre miroir de la belle-mère devient la caméra où l’on se regarde tout le temps. 

Blanche-Neige et le crossfit

Dans l’histoire d’origine, la belle-mère est jalouse de la beauté de sa belle-fille. Ici, la beauté n’est pas uniquement dans le visage mais se décale vers le corps et la performance de ce dernier. À l’heure où les réseaux sociaux, notamment Instagram (le roi de l’image), montrent les gens sous toutes leurs coutures à coup de hashtag healthy, squat et abdos, In the Mirror s’approprie cette tendance pour mieux épouser le récit ancien et pour explorer les thématiques communes à la beauté, à la superficialité et la jalousie. Les personnages sont prisonniers de l’image que leur corps renvoie, prisonniers à jamais de comparaisons stériles qui les poussent à la compétition sous toutes les formes. 

Cette relecture moderne permet d’offrir une réécriture originale et intelligente qui pousse à la réflexion (dans les deux sens : réflexion du miroir et réflexion sur nos sociétés modernes) et qui transpose les questions sur les standards de beauté qui évoluent toujours et un peu plus vers d’innombrables efforts fournis, en grande partie par les femmes, pour ressembler à des normes uniformes. 


Réalisé par Laila Pakalniņa

Avec Madeleine Valdberg, Elza Leimane...

Un entraîneur de CrossFit et sa femme deviennent les parents d'une petite Blanche-Neige. La mère de l'enfant décède. Le père se remarie avec une femme obsédée par son apparence et par le sport. Le temps passe et Blanche-Neige surpasse les records de sa belle-mère...

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