Cannes 2025 - SOUND OF FALLING - Mascha Schilinski
Copyright Fabian Gamper Studio Zentral
Les héritières
Avec son deuxième long-métrage, la réalisatrice allemande a l’ambition de raconter son pays et quatre générations de femmes. Visuellement époustouflant, Sound of Falling est aussi narrativement très maîtrisé.
Il faut parfois accepter que les films se mettent en place comme des puzzles ou des tableaux pointillistes : touche après touche, la fresque se dévoile, et ce qui pouvait sembler brumeux au départ finit par apparaître clairement. C’est ce principe que suit le très beau (et très attendu) Sound of Falling, sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes. La réalisatrice allemande Mascha Schilinski y présente une myriade de personnages, surtout féminins, qui se partagent la même ferme et, la plupart du temps, des liens du sang, parfois distendus et qu’il faudra raccorder. L’effet n’est pas artificiel : ces vies se répondent, dans leur âpreté et leurs désirs, et dépendent les unes des autres puisque les souvenirs et les traumas ruissellent de génération en génération.
On passe ainsi du début du XXe siècle, filmé comme un tableau de Rembrandt, avec force clairs-obscurs, à l’époque contemporaine, aux lumières plus douces et rasantes, façon Polaroid. Mascha Schilinski réalise un coup de force formel qui pourra sembler poseur mais qui raconte bel et bien quelque chose du temps qui passe. En creux, cela permet aussi de souligner la violence qui reste. Les femmes sont confrontées à des choix impensables, des non-dits mortels et une inexorable envie de fuir. Elles subissent aussi de plein fouet les luttes de classe et les conflits lointains du monde qui finissent toujours par les rattraper. La cinéaste allemande fait d’ailleurs le choix radical de ne jamais aborder frontalement la période de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme, pas plus que celle de la partition du pays en deux, préférant les laisser en toile de fond pour en examiner les conséquences intimes.
Si le titre international du film n’a rien à voir avec l’original (In die Sonne schauen, que l’on pourrait traduire par « regarder le soleil en face »), il a été remarquablement bien choisi. Avec un formidable travail sur le son, Mascha Schilinski nous donne à entendre les chutes, intérieures souvent, littérales parfois, de ses personnages. Le film est très chargé, et l’accumulation des horreurs pourra rebuter un peu, mais il s’avère remarquablement maîtrisé. Peu à peu, les images font leur œuvre, n’hésitant pas à se répéter – de façon parfois trop appuyée – et dessinent tout à la fois l’histoire de l’Allemagne et la condition des femmes qui l’habitent.
MARGAUX BARALON
Sound of Falling
Réalisé par Mascha Schilinski
Avec Hanna Heckt, Lena Urzendowsky, Laeni Geiseler
Ce film est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2025
Quatre jeunes filles à quatre époques différentes. Alma, Erika, Angelika et Lenka passent leur adolescence dans la même ferme, au nord de l’Allemagne. Alors que la maison se transforme au fil du siècle, les échos du passé résonnent entre ses murs. Malgré les années qui les séparent, leurs vies semblent se répondre.
En salles prochainement