AFTERSUN - Charlotte Wells

FATHER BLUES

Elle a mis tout d’elle dans son film, son passé, son présent, ses espoirs. En compétition à la Semaine de la Critique, la réalisatrice écossaise Charlotte Wells a présenté son premier film, Aftersun : le portrait subjectif d’un père mélancolique par sa fille, quelque part dans les années 1990, lors d’un été à la mer en Turquie. Avec une narration qui suit les fluctuations mémorielles de la petite fille devenue adulte, Charlotte Wells prend le parti d’une écriture contemplative, et retranscrit par sa mise en scène le labyrinthe des souvenirs, la mémoire persistante des détails, et la reconstitution du passé.

Dans le rôle d’un père visiblement trop jeune, fraîchement séparé et dépassé par les événements, Paul Mescal reprend avec succès les traits qui avaient fait sa notoriété dans la série Normal People : ceux d’un personnage masculin sensible, aux antipodes de la virilité, et guetté par une mélancolie indicible. Accompagné de la petite Frankie Corio en Sophie, projection directe de la réalisatrice, tous deux forment un duo père-fille d’une tendresse infinie, qui renvoie parfois au Somewhere de Sofia Coppola dans ses moments de complicité silencieuse.

Aftersun pourra en laisser plus d’un‧e de côté par sa dominante contemplative et son souci du détail. On assiste moins à un récit qu’à un assemblage de fragments de souvenirs qui, collés bout à bout, tentent d’assembler le portrait d’un père méconnu, et où la tristesse, qui ne dit jamais son nom, est présente à chaque plan par la persistance de la couleur bleue. Avec des aller-retours entre le passé reconstitué, et le présent de la petite fille devenue adulte, dont la présence n’est que suggérée, Charlotte Wells montre sa capacité à mettre en scène l’espace mental ; notamment grâce à une belle séquence finale qui évoque l’apaisement et la réconciliation, mais aussi la persistance du mystère. On pense au labyrinthe de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, à la reconstitution de la psyché de Chambre 212, ou plus récemment au présent fantasmé de Serre moi fort. Un beau début pour Charlotte Wells, à garder en mémoire.



Réalisé par Charlottes Wells

Avec Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall …

À la fin des années 1990, Sophie, onze ans, et son père Calum passent leurs vacances dans un club de la côte turque. Ils se baignent, jouent au billard et pro­fitent de la com­pa­gnie com­plice de cha­cun. Calum devient la meilleure ver­sion de lui-même lorsqu’il est avec Sophie. Sophie, quant à elle, pense que tout est pos­sible auprès de lui. Lorsque la jeune fille est seule, elle se fait de nou­veaux amis et vit de nou­velles expé­riences. Tout en savou­rant chaque moment pas­sé ensemble, une part de mélan­co­lie et de mys­tère imprègne par­fois le com­por­te­ment de Calum. Vingt ans plus tard, les sou­ve­nirs de Sophie prennent une nou­velle signi­fi­ca­tion alors qu’elle tente de récon­ci­lier le père qu’elle a connu avec l’homme qu’elle ignorait.

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