BORN IN FLAMES - Lizzie Borden
De l’intersectionnel avant l’heure
Dans le cadre du Festival International de Films de Femmes, l’œuvre complète de la réalisatrice indé Lizzie Borden sera projetée le week-end du 25 mars. Born in flames, le plus grand temps fort de sa carrière, n’a jamais été plus actuel.
Elles pourraient filer un AVC à n’importe quel éditorialiste. Alors qu’ils voudraient des Stepford Wives, parfaites petites femmes au foyer robotisées, les héroïnes de Born in Flames sont les dignes héritières de ces sorcières qui n’ont pas péri dans les flammes, et les ancêtres de nos jeunes filles en feu. Elles brûlent la vie par les deux bouts, sans se laisser consumer.
Réalisé en 1983, le film le plus connu de Lizzie Borden est à la fois un joyau furieux et une bouffée d’air frais revigorante. Il se déroule dans une réalité alternative qui n’a rien à envier à la nôtre. Une démocratie socialiste américaine, où l’utopie s’est délitée à grands coups de répression étatique. Dans ce triste horizon politique, une lueur de révolte persiste grâce aux militantes féministes. Il y en a de toutes sortes : des musiciennes, des activistes, des journalistes, dont la convergence se noue timidement.
Unies, fières et radicales
Ce qui fait dire à Lizzie Borden que Born in Flames est une œuvre de science-fiction, ce n’est pas son cadre, mais plutôt le fait que les femmes transcendent leurs différences dans la lutte. Elle attire ainsi l’attention sur le mouvement des femmes sclérosées qui a caractérisé son époque, les torts qui ont été faits aux communautés noires et lesbiennes. Et ce, bien avant que l’intersectionnalité ne devienne un mot d’ordre.
La cinéaste compose une mosaïque organique, dans un mélange de fiction et de documentaire s’appuyant sur des captations plus vraies que nature. Elle fait également se côtoyer actrices professionnelles (dont une jeune Kathryn Bigelow) et amatrices, à l’instar d’Honey, journaliste radio charismatique, et de l’activiste Flo Kennedy.
Born in flames est un manifeste humble et polyphonique. Il a d’ailleurs failli s’appeler Guérillères en référence au roman de Monique Wittig, œuvre polyphonique par excellence, mais peut-être que ce second choix était le meilleur. Born in flames, parce que ses personnages appartiennent à une génération désenchantée, qui déboule dans une société mise à feu et à sang par les puissants. Born in flames, parce qu’elles ont su surgir de cet incendie plus fortes et unies.
À la radio, le personnage d’Isabel déclare : « Cette guerre ne se finira pas en holocauste nucléaire. Elle naît dans la célébration des rites alchimiques, la transformation de la merde en or, l’illumination de la nuit chaotique en profonde en lumière. » La lumière de ces battantes, flambeau qui éclaire la voie de lendemains plus justes.