COMME À LA MAISON - Juin 2021
Fini les sempiternels « Qu’est ce qu’on regarde ce soir ? » et les longues errances sur Netflix ! Chaque mois, on vous propose quelques recommandations de films disponibles en VOD ou SVOD à travers une thématique féministe, et/ou avec une femme derrière la caméra. Une chose est sûre, il y en aura pour tous les goûts.
Au programme ce mois-ci : des paroles d'actrices, la représentation des acteur‧ices noir‧es à l'écran, une secte religieuse, des pommes de terre et
LA RECOMMANDATION DE ... LAURA
SOIS BELLE ET TAIS-TOI - Delphine Seyrig (1981) sur LaCinetek
Synopsis : Delphine Seyrig s’entretient avec vingt-quatre actrices françaises et américaines sur leurs expériences professionnelles en tant que femmes, leurs rôles et leurs rapports avec les metteurs en scène, les réalisateurs et les équipes techniques. Bilan collectif plutôt négatif en 1976 sur une profession qui ne permet que des rôles stéréotypés et aliénants.
Nous en parlions dans notre épisode Sorociné Club consacré au documentaire Delphine et Carole, insoumuses en se lamentant sur le fait qu’il soit très peu disponible au grand public. À l'occasion de la sortie de son livre La Poudre - tome 2 - Féminismes et cinéma, Lauren Bastide a créé une sélection Girl Pow(d)er, sur le site LaCinetek, où l’on peut trouver entre autre Agnès Varda, Sofia Coppola ou Jane Campion. Le film d’avant-garde de Delphine Seyrig est maintenant disponible à l’achat ou à la location. La parole des actrices est entendue et même, sollicitée, pour ce qui donne l’impression d’être la première fois. Delphine Seyrig sonde vingt-quatre actrices à Paris et Los Angeles, leur demande leur point de vue sur la façon dont elles sont traitées sur les tournages, par leur pair masculin. Leur point de vue sur les rôles qu’elles jouent, sur la façon dont elles sont filmées, la façon dont sont scrutés leur corps et leur âge. Un documentaire essentiel, sur un thème qui devrait être éculé, mais qui ne l’était pas en 1976 et qui ne semble toujours pas l’être aujourd’hui.
LA RECOMMANDATION DE ... PAULINE
LES ÉBLOUIS - Sarah Suco (2019) disponible sur Canal +
Synopsis : Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire. Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et sœurs.
Après son court-métrage, Nos enfants (2017), l’actrice, scénariste et réalisatrice Sarah Suco, a réalisé un premier long métrage captivant, Les Éblouis(2019). Partiellement autobiographique, le film raconte le destin de Camille (brillamment incarnée par la jeune Céleste Brunnquell qui joue, ici, son tout premier rôle), vivant dans une secte religieuse avec sa famille. Le long-métrage aborde frontalement l’embrigadement, la manipulation et l’enfermement toxique qu’une telle communauté exerce, notamment, sur les enfants. D’une justesse rare, le film a été, à juste titre, couvert d’éloges dans la presse.
LA RECOMMANDATION DE ... AMANDINE
LES GLANEURS ET LA GLANEUSE - Agnès Varda (2000) disponible sur MUBI
Synopsis : Un peu partout en France, Agnès a rencontré des glaneurs et glaneuses, récupéreurs, ramasseurs et trouvailleurs.
Armée d'une petite caméra digitale, Agnès Varda écume les quatre coins de la France à la recherche des glaneurs et des glaneuses. La cinéaste dresse les portraits touchants d'hommes et femmes aux motivations différentes (écologie, recyclage ou précarité) et métamorphose la trivialité du geste en quelque chose de beau. Mais c'est au-détour d'un miroir que Les Glaneurs et la Glaneuse se transforme en un émouvant auto-portrait dans laquelle la réalisatrice se regarde vieillir et devient à son tour, une glaneuse d'images. Un documentaire plein d'humour et d'humanité qu'Agnès Varda prolongera dans Deux ans après.
LA RECOMMANDATION DE ... CHLOÉ
REGARD NOIR - Aïssa Maïga et Isabelle Simeoni(2021) disponible sur Canal +
Synopsis : À travers le monde, de Paris à Los Angeles en passant par Cannes, Aïssa Maïga rencontre des personnalités engagées pour promouvoir la diversité dans le cinéma. Elles livrent leurs points de vue sur la représentation des femmes noires à l'écran et interpellent sur les questions des stéréotypes ou du plafond de verre.
Suite à l’initiative d’un ouvrage collectif Noire n’est pas mon métier, sorti en 2018, Aïssa Maïga réalise Regard Noir . Avec Isabelle Simeoni, elle dresse un portrait du cinéma français en manque de représentativité de personnes racisées et de personnages racisés correctement écrits et éloignés des stéréotypes. Les deux femmes décortiquent cela grâce à quatre thèmes / chapitres : Stéréotypes, Colorisme, Blackface, Whitewashing et Quotas.
Dans ce dernier chapitre, il est question - entre autres - du test Malonga, de Marie-France Malonga, sociologue des médias, docteure en sciences de l'information et de la communication. Ce test permet de vérifier si les minorités ont un rôle stéréotypé ou non, grâce à trois critères : la visibilité, les stéréotypes et le ou la créateur·trice.
Pour alimenter ses idées et ses comparaisons, plusieurs pays ont été visités : la France, les États-Unis, le Brésil et le Danemark. Pendant son passage aux États-Unis, Aïssa Maïga interroge notamment la réalisatrice Ava DuVernay et la jeune actrice de Un Raccourci dans le Temps, Storm Reid, pour discuter de la condition des personnes noires dans le cinéma Hollywoodien. Là-bas, elle n’interroge pas que des femmes, elle s’entretient aussi avec le réalisateur Ryan Coogler et l’acteur Chiwetel Ejiofor.
En France, la réalisatrice interroge des sociologues et des journalistes - comme Rokhaya Diallo - mais aussi un panel d’actrices françaises. Assa Sylla, Karidja Touré, Firmine Richard, Mata Gambin ou encore Sonia Rolland - pour ne citer qu’elles - racontent leurs expériences, expriment leurs peines et leurs colères face à la caméra. Adèle Haenel fait une rapide apparition pour appeler les acteur·ices blanc·hes du cinéma français à regarder les problèmes en face. Ce documentaire bien rythmé, clair et touchant se termine par un discours de Christiane Taubira, personnalité politique noire qui subit le racisme.
LA RECOMMANDATION DE ... MANON
4 mois, 3 semaines, 2 jours - Cristian Mungiu (2007) disponible sur Netflix
Synopsis : En Roumanie, lors des dernières années de pouvoir de Nicolae Ceaușescu, une étudiante décide d’avorter, aidée par sa colocataire, alors que l’acte est interdit. Les deux jeunes femmes traversent une épreuve qu’elles n’étaient pas prêtes à endurer, faisant face à un monde brutal, dans lequel elles tentent de se réapproprier leurs corps.
4 mois, 3 semaines, 2 jours a obtenu la Palme d’or lors du 60ème Festival de Cannes. Le film met en lumière le combat mené pour l’avortement dans une Roumanie soumise à une didacture et fait, de cet acte l’étendard de la révolte. Avorter à 4 mois, 3 semaines et 2 jours, à cause d’une procédure illégale compliquée à mettre en place, c’est faire face à un foetus trop développé, ce qui rend l’expérience traumatisante. Le film de Cristian Mungiu se veut neutre quant à la question de l’acte mais le porte pourtant comme symbole de réappropriation des corps dits féminins, jusque là oppressés par le système mis en place. Il effectue un cri de révolte pour les jeunes femmes opprimées pendant toutes ces années de dictature au sein du gouvernement roumain. On terminera par noter que le film a beaucoup fait parler en France, du côté des associations anti-avortement, qui voyait en sa présence un moyen de défendre un acte injustement accusé d’être barbare - si la jeune femme du film avorte finalement si tard c’est parce que son pays ne lui a pas laissé l’occasion de le faire plus tôt.
Dans notre dernier épisode du Sorociné Club, nous avons rencontré Charlène Favier, réalisatrice du très beau Slalom, en salle depuis le 19 mai.