H24 - Nathalie Masduraud et Valérie Urrea

Diffusée sur la plateforme Arte TV, la série H24, dirigée par Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, propose de couvrir heure par heure une journée dans la vie d’une femme, sous le prisme des différentes violences sexuelles qu’elle peut subir. Le projet pouvait rendre méfiant.e à première vue, notamment avec un sous-titre (« 24H dans la vie d’une femme ») qui paraît assez racoleur. Pour autant, malgré un résultat nécessairement un peu inégal du fait de la grande diversité des épisodes, cette série propose de nombreux moments réellement poignants, grâce à une mise en scène et un jeu de très bonne qualité. Portée par 24 réalisatrices avec la collaboration de 24 écrivaines (dont Lola Lafon, Kaouther Adimi, Chloé Delaume ou Alice Zeniter, pour n’en citer que quelques-unes), la série privilégie la forme du monologue pour adresser à son public des témoignages qui, empreints d’une colère tantôt sourde, tantôt fracassante, prennent la forme d’un manifeste contre les violences subies par les femmes au quotidien.

Violence systémique

À travers 25 court-métrages très brefs (de 3 à 5 minutes), H24 propose de couvrir une grande variété de sujets, entre le harcèlement de rue, les relations d’emprise, le viol, le cyberharcèlement, la lesbophobie ou les violences obstétricales. Ce parti pris détaille de la manière la plus exhaustive possible les différentes formes d’oppressions sexuelles, en y incluant les discriminations raciales et sociales, de manière à ce que chaque spectateur.ice puisse y identifier un récit vécu ou entendu. En multipliant les sujets et en choisissant d’accorder le même traitement aux différents degrés d’agression, du sexisme banalisé du quotidien jusqu’au crime, les réalisatrices démontrent surtout le caractère systémique de la violence faite aux femmes et interrogent nos réflexes face à l’infinie multiplicité de ces agressions.

En trame de fond revient, à de nombreuses reprises, la question de la dénonciation en justice et le dépôt de plainte comme geste politique. « Alors je sais que tu préfères laisser courir, mais moi, je vais quand même aller porter plainte », déclare Garance Marillier suite à une agression lesbophobe dans un stade de foot. Mais plusieurs récits insistent également sur l’impuissance de la justice, la violence des forces de l’ordre et la surdité cruelle face aux témoignages déposés, comme en témoignent les récits les plus sidérants déclamés par Valeria Bruni-Tedeschi (« 18H – Je brûle ») et Sveva Alviti (« 21H – Les détails »). 

Face caméra

En privilégiant la forme du monologue, chaque épisode est un exercice de mise en scène qui permet de raconter l’acte de violence sans jamais le montrer à l’écran, pour se focaliser sur le ressenti de la victime. Grâce à une belle diversité créatrice, la série propose une suite d’œuvres qui convoquent beaucoup de la force allégorique du théâtre : aux textes déclamés face caméra ou en voix off, se superposent une danse de chevilles tordues par des talons trop hauts, un dépeçage de calamars à en donner la nausée, un lip-sync qui ôte sa parole à l’agresseur.

La multiplication des regards caméra, des voix off et des gros plans pour raconter l’expérience de l’agression, permettent à ces récits l’expression de la subjectivité des personnages féminins et leur donnent l’occasion de s’approprier des histoires trop souvent reléguées au champ anecdotique et au fait divers, jusqu’à l’oubli. En faisant de ces violences le sujet principal du récit, les réalisatrices invitent à se réapproprier l’espace de parole, et délivrent des témoignages dont l’aspect choquant et incisif est renforcé par le format très court de chaque épisode. 

La force de ces récits réside dans le juste équilibre entre la gravité des témoignages, et la profonde détermination qui émane de nombre des personnages. Réagir, pour soi ou pour aider les autres, devient une nécessité vitale : « On va faire comme on a dit, comme on s’était promis la fois où on a eu peur », clame Deborah Lukumuena à la caméra ; et il n’est pas anodin que la plupart de ces réactions se fasse en regardant directement le public. Passée la sidération de l’acte, la peur laisse alors la place à la colère, qu’elle se manifeste dans une dénonciation en justice, dans une réaction de défense, ou dans un cri assourdissant. 


Conçue et dirigée par Nathalie Masduraud et Valérie Urrea

Inspirée de faits réels, une série manifeste qui rend compte des violences faites aux femmes au quotidien. Sur une idée originale de Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, 24 films courts audacieux, d’après les textes de 24 autrices européennes, interprétés par 24 actrices d’exception. Une diversité de voix et de talents, dans une collection forte et engagée.

Disponible sur Arte TV

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