ROUGE - Farid Bentoumi

La gauche en crise

Depuis plusieurs années, les jeunes générations se préoccupent de leur avenir dans un monde en proie au réchauffement climatique. Que va-t-il rester aux enfants dont les parents ont inconsciemment détruit la Terre ? Dans Rouge, Nour (Zita Hanrot) est une jeune infirmière très proche de son père (Sami Bouajila), délégué syndical d’une usine dans laquelle travaille également tous ses amis ouvriers. Lorsque Nour rejoint à son tour l’équipe de l’usine pour veiller à la sécurité de ces derniers, elle s’aperçoit, au détour de quelques dossiers médicaux, que les employés ont été soumis à des risques pour leur santé, dans le cadre de leur emploi. Elle va enquêter, avec une journaliste, sur le sujet, quitte à s’éloigner de sa famille.

Rouge est le portrait de deux générations et de leurs combats respectifs, désespérément à la recherche d’harmonie. Il y a la figure parentale, l’ouvrier qui s’est battu toute sa vie pour ses conditions de travail, attaché à une lutte sociale, et sa fille, qui a suivi ses pas en décidant de soigner les autres, mais pour qui la lutte est environnementale. Le film s’inspire librement du scandale de l’usine de Gardanne, accusée de rejets dans la mer Méditerranée, mais dont la fermeture serait un désastre économique pour tous les employés. Rouge est intrinsèquement et ouvertement politique et traite des dilemmes de la gauche d’aujourd’hui, tiraillée entre les intérêts des travailleurs et l’urgence climatique. Ce n’est certainement pas un sujet que renierait Robert Guédiguian, vers lequel Rouge lorgne parfois, avec son regard bienveillant sur les conflits politiques entre les générations, en quête d’un accord. Les intérêts sont communs, la façon de les aborder l’est moins, tout est disséqué pour comprendre les systèmes de pensées des personnages.

S’il est thématiquement très complet et ne laisse rien au hasard, le film peine néanmoins à trouver le juste équilibre entre sa générosité et sa naïveté. En se voulant le plus clair et simple possible, Rougerévèle ses grosses ficelles qui empêche le thriller de se développer pleinement. C’est à la fois la force et le problème de l’œuvre : tout est extrêmement efficace, parfois à l’insu du soin qui peut y être apporté. La mise en scène n’échappe pas à cela, elle demeure relativement automatique, davantage fonctionnelle plutôt qu’incarnée. Pourtant, l’humanisme de Rouge fait souvent mouche, de la première scène qui présente une infirmière dépassée par le manque de personnel, et dont les nerfs craquent, aux relations qui rassemblent les personnages tout aussi différents soient-ils. Finalement, le film souffre peut-être de sa courte durée (seulement 1h28), témoin d’une humilité par laquelle on peut également déplorer un manque de bouts de gras, d’éléments supplémentaires pour faire vivre pleinement l’histoire sans se soucier sans cesse de son fil conducteur.

En somme, Rouge est le témoin d’une époque, celle d’une infirmière, jeune femme déterminée qui témoigne des volontés de sa génération, face à son père, vestige d’un temps ouvrier où l’on raccrochait sa vie à son usine. C’est un geste politique, engagé, dans lequel les « petites gens » sont issus au rang de héros. Les combats personnels sont également les combats universels, les intérêts de chacun sont ceux de tous, dans le regard politique et sociétal entrepris par le scénario. Il est dommage que le film se contente de foncer dans le droit chemin de son objectif plutôt que de prendre le temps de se transcender.


Réalisé par Farid Bentoumi

Avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette...

Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours.

Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.

En salle le 4 août 2021

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