TRUE MOTHERS - Naomi Kawase

Amours naissants

L’édition 2020 du Festival de Cannes avait été frappée par le Covid, ce qui avait conduit à son annulation. Un label avait cependant été attribué à tous les films retenus cette année-là. On y retrouvait le nom de Naomi Kawase, une habituée de l’évènement, de retour avec un film sur la maternité. Satoko et son mari ne peuvent avoir d’enfants et se tournent vers l’adoption. C’est Hikari, une adolescente qui leur confie son bébé. Six ans plus tard, la jeune femme revient pour réclamer son petit garçon. L’histoire est issue d’un roman japonais,Le Matin arrivede Mizuki Tsujimura, une œuvre qui résonne avec Naomi Kawase, élevée par des parents adoptifs.

La réalisatrice n’a pas toujours pris le parti de proposer des œuvres faciles à aborder. True Mothers est pourtant un mélodrame qui s’adresse au plus grand nombre. C’est d’abord l’histoire d’une modernité, à travers le parcours d’un couple. Satoko et Kiyakazu vivent dans un grand immeuble, dans un quartier en pleine construction. Kawase filme une forme de civilisation jusque-là relativement méconnue dans son cinéma, avec des plans sur le paysage qui entoure ses protagonistes, les plaçant dans un décor qui est le reflet de leurs valeurs, de leur mode de vie. C’est dans cette modernité que naît la précision médicale avec laquelle est présentée l’infertilité. Le voile est levé sur le tabou du trouble, introduit par des termes scientifiques, pour une réaction tout en retenue du couple. Ils ne s’écroulent pas mais tentent de comprendre, et le film ne transforme pas la triste nouvelle en un tire-larme fataliste.

Kiyokazu, atteint d’azoospermie (absence de spermatozoïdes dans le sperme), propose à sa femme de divorcer, afin qu’elle puisse répondre à ses envies d’enfants et de famille traditionnelle. Elle refuse, par amour. C’est cet amour qui va accompagner le parcours des personnages pendant 2h20, l’amour entre un homme et une femme, l’amour entre deux adolescent‧es, l’amour entre une femme et son fils ou encore l’amour naissant d’une mère face à son désir d’enfant. Les personnages se construisent à partir des relations qu’ils entretiennent avec les autres et True Mothers se lance dans une quête difficile, celle d’une harmonie entre tous. Le film compose sa propre mélodie autour du personnage d’Asato, fruit d’une nature florissante, sujet fétiche de la réalisatrice.

Lorsqu’Hikari rejoint un centre associatif pour jeunes mères souhaitant faire adopter leurs bébés, la caméra de Kawase s’inspire du documentaire, faisant fi des violons. Le pathos est sans cesse utilisé avec parcimonie puisqu’on en vient davantage à être touché par la beauté que la détresse des situations, et c’est ensuite l’empathie qui prend le relai. Naomi Kawase se concentre sur le rapport qu’entretiennent les jeunes femmes, parfois jeunes filles, avec ce qu’elles ont dans le ventre. Il n’est cependant jamais question d’entrer dans des écueils sur le sujet puisque True Mothers constitue chacun de ses dialogues avec finesse. Le film donne la parole et du crédit à chaque image d’une gestation souvent compliquée. Il développe les portraits croisés de personnes aux motivations différentes face à une naissance inattendue. Le sujet n'est pas les enfants (parfois abordés de façon assez abstraite) mais bel et bien leur mère. La venue d’un être nouveau est abordée dans toute sa complexité. True Mothers parvient à atteindre avec grâce chaque élément de la vie, dépeignant leurs facultés à transcender l’ordre naturel des choses. Loin d’être naïf, le film ne laisse rien au hasard, dans un souci constant de compréhension pour ses personnages.

Le scénario, pourtant si bien écrit, s’embourbe en conservant une complexité inutile à travers le parcours d’Hikari, puisqu'il ajoute l’absence de la mère en plus des différentes thématiques autour de la maternité. Il est regrettable d’avoir inclus une petite montagne russe qui vient rompre le rythme et l’émotion sur le dernier quart de son récit. True Motherss’illustre finalement le mieux lorsqu’il apparaît épuré, s’affichant alors comme étant le plus proche des gens. Mais la beauté d’un film ne peut s’écrouler à cause d’un seul croche-patte, la composition sensible persiste dans le crâne après la projection. Naomi Kawase rappelle, une nouvelle fois, qu’elle sait reproduire ces instants de beauté et d’équilibre dans une existence soudainement magnifiée.


Réalisé par Naomi Kawase

Avec Aju Makita, Taketo Tanaka, Hiromi Nagasaku

Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14 ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…

En salle le 28 juillet 2021

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