FESTIVAL DE FILM DE FESSES 2022 - Bilan
Le quartier latin se dévergonde
Après un report regrettable en 2021, le Festival du Film de Fesses effectue son grand retour dans un contexte qui lui est plus favorable ; celui d’un retour à la normale qui laisse songeur, où les masques s’abaissent et la promiscuité des corps se recherche. En l’espace des 5 jours derniers jours du mois de juin, 4 bastions du cinéma Art & Essai – Le St-André-des-Arts, l’Archipel, le Grand Action et le Reflet Médicis – auront pu assister à la transfiguration de la sexualité en expression artistique vivante et politisée. Convié-e-s à la fête, des professionnel-l-es du désordre anti-patriarcal et les vétéran-te-s queer de la satire sociale tournèrent l’hétéronormativité en dérision sous nos yeux, performèrent, gesticulèrent, s’effeuillèrent et donnèrent le ton : ici, on ne parlera pas d’une sexualité, mais des sexualités. Et ce, sans l’ombre d’un jugement moral. Ça tombe bien : pour faire écho aux sept ans du Festival, ce sont les sept péchés capitaux qui sont choisis comme thématiques.
Les hostilités commencent sous le signe de la luxure, et quoi de mieux que l’œuvre de Catherine Breillat, qui jongle entre vice et puritanisme, pour l’illustrer ? Une vraie jeune fille, son premier film sélectionné au FFF par le média Chaos Reign, est un voyage sensoriel dans le pays de la honte. Celle d’Alice, une jeune fille qui explore sa sexualité envers et contre tous, dans le coin paumé où vivent ses parents. Armée de ses fantasmes, l’adolescente règne en maîtresse sur les terres et les cœurs crasseux de sa campagne natal, et ses bizarreries sexuelles font acte de résistance. Un motif se dessine, celui du désir comme d’une lutte, partagée par les multiples protagonistes des films projetés. Alice, Reiko, l’androïde d’I.K.U, ou encore Pan de Pink Narcissus, font partie de l’armée d’amant-e-s décrits dans le manifeste de la Queer Nation. Ils et elles savent ce qu’est l’amour, le vrai, le désir et la luxure. « Nous les avons inventés ! Nous sortons du placard, faisons face au rejet de la société et aux pelotons d'exécution, juste pour s'aimer! Chaque fois que nous baisons, nous gagnons » écrit la Queer Nation.
Le 3 juillet, l’aventure se conclut avec la fameuse remise des fessées du jury et du public, soit leurs coups de cœur. Celle du jury reviendra au Mars Exalté de Jean-Sébastien Chauvin, ou les rêveries d’un homme dans la grisaille urbaine, tandis que le public choisit de féliciter Romy et Laure… Et le mystère du plug enchanté. Comme une cerise sur le gâteau, la séance à guichets fermés de Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues trace le point final. En salles dès le 14 septembre prochain, il met en scène un homme qui ressasse ses amours mortes sur son lit de mort. De la puissance de se souvenir. Nul n’oubliera la sexualité queer après ses siècles de pénombre, le septième art s’en fait le témoin.
On s’en rappelle, le mot « Queer » découle d’une insulte, d’une volonté de pointer du doigt la différence. Mais dans la communauté LGBTQIA+, cette marque au fer rouge se transforme en tatouage, en peinture de guerre étrennée fièrement devant l’adversité et la haine. Et on peut dire qu’avec les sept péchés capitaux, le Festival du Film de Fesses aura voulu accomplir un renversement similaire : jouir de la dissidence, et laisser les dissident-e-s jouir.