HOURIA - Mounia Meddour

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Du corps à la mémoire, récit d’une reconstruction

Mounia Meddour expose frontalement les traumas collectifs et la reconstruction des corps.

On pourrait dresser une filiation évidente entre le premier et le deuxième film de Mounia Meddour, pour explorer la maturation d’une réalisatrice qui sonde l’histoire et la liberté de son Algérie de cœur. Avec Papicha, sorti en 2019, on suivait le pays dans sa décennie noire des années 1990, avec la jeune Nedjma, incarnée par une Lyna Khoudri à ses débuts, qui rêvait de devenir styliste et refusait de renoncer à sa liberté. Dans Houria, on retrouve Lyna Khoudri incarnant cette fois une jeune danseuse d’Alger dans les années 2000, qui doit se reconstruire suite à une violente agression, et dont le cheminement intérieur va croiser les fantômes de la décennie noire.

Avec une sortie étonnamment discrète après le succès de Papicha (qui avait tout de même remporté, entre autres, le César du Premier film, le César de l’espoir féminin pour Lyna Khoudri, et le prix Alice Guy en 2020), Houria n’a malheureusement pas eu la couverture presse ni le réseau de salles qu’elle méritait. Ce n’est pourtant pas faute de qualité ni d’accessibilité de l’œuvre ; car avec une force de frappe similaire à celle de Papicha, qui se terminait dans un silence assourdissant, Mounia Meddour va sonder dans Houria l’onde de choc du traumatisme, dans un récit qui fait résonner le cheminement intime de son personnage avec la mémoire collective de son pays.

Jeune danseuse de ballet à Alger, promise au rôle d’étoile dans le Lac des Cygnes, Houria voit sa carrière s’arrêter violemment le jour où elle est hospitalisée à la suite d’une agression. Rendue muette après ce traumatisme, elle croise pendant sa rééducation des femmes en reconstruction : toutes affrontent un deuil ou un choc en lien avec le terrorisme de la décennie noire, dont le portrait-fantôme se tisse en filigrane du récit. Mounia Meddour explore alors les rancœurs ouvertes de la politique de l’amnistie, qui s’est appliquée à la fin de la décennie pour essayer de tourner la page des violences. Elle construit son histoire comme un crescendo, où la colère sourde d’Houria trouve peu à peu une résonance dans l’histoire collective des femmes de son groupe. Privée de la parole, la danse, quelle qu’en soit la forme, va devenir pour elle le meilleur moyen de faire corps avec sa colère.

Face à la richesse du récit, et aux nombreux thèmes qui s’entrecroisent (on y effleure aussi la thématique de la migration, et le rêve d’un monde meilleur qui se heurte à la traversée de la mer), on peut certes reprocher à la réalisatrice un ton souvent évasif, qui contextualise peu son histoire – notamment sur ses aspects politiques. Mais on lui pardonne facilement ces défauts d'écriture par la puissance émotionnelle qui se dégage de la réalisation et du jeu de Lyna Khoudri ; et ce qui semblait éparpillé en cours de route se rassemble comme une évidence dans un final mutique et fracassant. D’un film à l’autre, donc, la boucle se ferme, la confirmation d’une réalisatrice est actée.

Houria

Réalisé par Mounia Meddour

Écrit par Mouina Meddour

Avec Lyna Khoudri, Rachida Brakni, Marwan Fares…

France / Algérie

Alger. Houria est une jeune et talentueuse danseuse. Femme de ménage le jour, elle participe à des paris clandestins la nuit. Mais un soir où elle a gagné gros, elle est violemment agressée par Ali et se retrouve à l’hôpital. Ses rêves de carrière de ballerine s’envolent. Elle doit alors accepter et aimer son nouveau corps. Entourée d’une communauté de femmes, Houria va retrouver un sens à sa vie en inscrivant la danse dans la reconstruction et sublimation des corps blessés…

En salles le 15 mars 2023.

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